La abuela Film hispano-français de Paco Plaza (2021), avec Almudena Amor, Vera Valdez, Karina Kolokolchykova, Chacha Huang, Pablo Guisa Koestinger, Alba Bonnin, Ileana Wilson, Marina Gutièrrez, Berta Sánchez, Pierre-François Garel… 1h40. Sortie le 6 avril 2022.
Vera Valdez
Paco Plaza doit sa renommée à [Rec] (2007) et à ses suites. Considéré comme l’un des maîtres de la nouvelle école fantastique espagnole, il signe avec Abuela une variation très originale autour du grand âge où une jeune femme qui est en train de réussir comme mannequin (Almudena Amor) se retrouve contrainte d’aller veiller sur sa grand-mère (la superbe octogénaire brésilienne Vera Valdez, mannequin pour Chanel croisée naguère dans Le feu follet de Louis Malle avec lequel elle a eu une liaison) qui l’a élevée et avec qui elle partage un anniversaire commun. Le poids de la mort plane sur ce film angoissant mis en scène avec virtuosité, mais sans la moindre esbroufe. Sans doute parce que son tournage a été perturbé par le confinement et que la réalité est venue s’inviter au cœur de la fiction, notamment en rendant aléatoire l'ordonnancement des scènes prévues initialement en maison de retraite. Comme il est d’usage dans le cinéma de genre, Abuela repose sur un double niveau de lecture… au minimum. Certains y verront un pur film d’épouvante d’une grande sophistication esthétique qui doit beaucoup à l’image photochimique ciselée en 35 mm par le jeune chef opérateur Daniel Fernández-Abelló, qui culmine dans les très gros plans, à une époque où le numérique a tout dévasté sur son passage. D’autres détecteront à travers ses codes une réflexion en profondeur autour de la peur du vieillissement devenue obsessionnelle dans notre société en proie au jeunisme ambiant.
Almudena Amor et Vera Valdez
Dès son générique de début, qui emprunte sa typographie au film préféré de Paco Plaza, Rosemary’s Baby (1968) de Roman Polanski, Abuela affiche son amour immodéré du cinéma stylé. Loin toutefois d’afficher ses références de manière ostentatoire, il choisit de traiter son décor comme un personnage à part entière dans un traitement parfois opératique. Le scénario de ce film construit comme un dédale est signé par un autre grand nom du cinéma espagnol contemporain, Carlos Vermut, dont le nom reste associé au thriller La niña de fuego (2014). C’est lui qui a mis en ordre cette histoire de deuil éternel dans laquelle les générations se substitueraient les unes aux autres en une succession ininterrompue. Une mise en perspective abyssale de la condition humaine qui a notamment valu à Abuela le très légitime prix du jury du dernier festival de Gérardmer. La sophistication de sa mise en scène s’y conjugue harmonieusement avec une partition musicale remarquable de Fatima Al Qadiri, membre du collectif de DJs Future Brown à qui la bande originale d’Atlantique de Mati Diop avait déjà valu une nomination au César en 2020. Sa contribution personnelle joue un rôle prédominant dans la puissance d’évocation qui émane d’Abuela.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire