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“Une mère” de Sylvie Audcœur



Film français de Sylvie Audcœur (2021), avec Karin Viard, Darren Muselet, Samir Guesmi, Farida Ouchani, Pasquale d’Inca, Oscar Kopp, Céline Jorrion, Thierry Rousset, Linda Massoz, Yannick Rosset… 1h27. Sortie le 23 mars 2022.



Darren Muselet et Karin Viard



C’est l’histoire d’une plaie qui refuse de cicatriser. Aline ne s’est jamais remise de la mort de son fils unique dans une rixe. Alors, le jour où elle croise son meurtrier tout juste libéré de prison, elle entreprend de lui tendre un piège afin de lui faire payer pour sa douleur. Autant l’avouer, le point de départ de ce film est de ceux qui laissent supputer toutes les hypothèses, en faisant redouter toutes ces séries B qui ont usé jusqu’à la corde les moindres ressources scénaristiques de la loi du talion. Le point de vue de Sylvie Audcœur s’avère assez différent. Il se concentre sur cette mère recluse dans sa douleur et le doute qui va la gagner, face à ce jeune homme lui-même en voie de reconstruction. Au point d’en arriver à établir que la différence entre la victime et le bourreau repose parfois sur un simple concours de circonstances. Une mère distille une réflexion autour du doute qui refuse les schémas préétablis. Le film repose en cela pour une bonne part sur la composition de Karin Viard dans un rôle comme elle en a surtout tenus au début de sa carrière. Sa performance d’actrice s’inscrit dans la tradition de celles de ces vibrantes tragédiennes méditerranéennes que furent Anna Magnani, Irène Papas ou Annie Girardot. Elle chemine sur une corde raide tendue entre cris et chuchotements.



Darren Muselet



Le scénario de Sylvie Audcœur apparaît assez vite comme un simple prétexte destiné à mettre en évidence des mécanismes primaires. Venue à la réalisation par l’écriture et le jeu, cette ex-comédienne qui connaît mieux que personne la valeur des mots applique ici les enseignements de ses activité préliminaires à une situation au fond assez élémentaire. Mais, très vite, la psychologie prend le pas sur la mécanique dramatique et la mise en scène se concentre autour de la confrontation entre ces deux personnages prisonniers du même piège qui ne peuvent s’en échapper qu’ensemble. C’est là que le film s’avère le plus intéressant par son approche psychologique de ces deux protagonistes en quête de rédemption. Riche idée dans cet esprit que d’avoir placé face à Karin Viard un acteur quasiment inconnu, l’excellent Darren Muselet découvert dans Hors normes, qui a pour lui un jeu impulsif façonné de réactions épidermiques. C’est en réglant ce pas de deux à la manière d’une mécanique de précision que la réalisatrice confère au propos de son film une portée universelle autour des notions complexes de vengeance et de pardon, si souvent frelatées au cinéma par excès de manichéisme.

Jean-Philippe Guerand






Karin Viard et Darren Muselet


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