Film franco-belge de Constance Meyer (2021), avec Gérard Depardieu, Déborah Lukumuena, Lucas Mortier, Megan Northam, Florence Hanas, Steve Tientcheu, Théodore Le Blanc, Sébastien Pouderoux, Julie Lesgages, Hugues Duchêne, Aurélia Thierrée, Florence Muller… 1h35. Sortie le 2 mars 2022.
Déborah Lukumuena et Gérard Depardieu
Hasard de la programmation, on vient de quitter Gérard Depardieu affublé de la pipe et du chapeau d’une version fatiguée de Maigret pour le retrouver dans un rôle qui lui ressemble davantage : celui d’un acteur célèbre que son garde du corps laisse comme un orphelin et qui se retrouve sous la protection rapprochée d’une femme de couleur dont tout semble le séparer. Formidable confrontation humaine entre un colosse du cinéma qui a besoin qu’on veille sur lui comme sur un nouveau-né et une jeune femme en immersion dans un univers dont elle ignore tous les codes, mais où elle se laisse guider par son instinct et son bon sens d’agente de sécurité avec cette même conscience professionnelle toujours aux aguets que manifestait le personnage campé par Clint Eastwood dans le thriller de Wolfgang Petersen Dans la ligne de mire (1993). La réussite de ce premier film présenté en ouverture de la Semaine de la critique au dernier festival de Cannes repose sur la qualité de son écriture et l’habileté avec laquelle Constance Meyer orchestre ce pas de deux périlleux. Face à l’ogre Depardieu qui réussit une fois de plus à surprendre dans un rôle de composition où son vécu pèse autant que son expérience, la réalisatrice a trouvé en Déborah Lukumuena l’antagoniste idéale, par le contraste qui s’établit entre son physique imposant et la discrétion de son personnage de “bodyguard” toujours sur le qui-vive.
Gérard Depardieu
Pour avoir été assistante sur plusieurs films interprétés par Gérard Depardieu, dont Bellamy (2009) de Claude Chabrol et L’autre Dumas (2010) de Safy Nebbou, Constance Meyer a eu tout loisir d’observer l’acteur aux deux cent cinquante rôles pour lui tailler un personnage à sa démesure, avec la complicité de l’indispensable Marcia Romano qui ajoute systématiquement un supplément de grâce aux scripts auxquels elle collabore. Étonnamment, Robuste possède une qualité proprement documentaire qui doit beaucoup à sa façon de filmer les visages et d’écouter les silences. Lauréate du César du meilleur espoir féminin 2017 pour sa composition mémorable dans Divines de Houda Benyamina, Déborah Lukumuena confirme ici une nature hors du commun qui crèvera à nouveau l’écran dans Entre les vagues d’Anaïs Volpé, à l’affiche dès le 16 mars prochain. La réalisatrice exploite à merveille l’étrange complicité qui s’établit entre sa corpulence et celle de son “protégé”, l’un et l’autre touchant par cette fragilité commune qui les rapproche peu à peu dans une relation fort atypique à travers laquelle la caméra explore la profondeur de ces deux êtres en proie à une certaine solitude rarement filmée de la sorte.
Jean-Philippe Guerand
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