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“Notre-Dame brûle” de Jean-Jacques Annaud




Film français de Jean-Jacques Annaud (2022), avec Samuel Labarthe, Jean-Paul Bordes, Mikaël Chirinian, Jérémie Laheurte, Oumar Diolo, Chloé Jouannet, Pierre Lottin, Élodie Navarre, Xavier Maly… 1h50. Sortie le 16 mars 2022.






Ce projet fait partie de ceux qu’a toujours affectionnés Jean-Jacques Annaud, amateur émérite de défis contre nature formé à la rude école de la pub, capable de filmer la préhistoire comme une histoire sans paroles (La guerre du feu, 1981), de nous tenir en haleine à travers l’affrontement de deux tireurs d’élite pendant la Seconde Guerre mondiale (Stalingrad, 2001) ou de mettre en scène des animaux comme des personnages à part entière (L’ours-1988, Deux frères-2004, Le dernier loup-2015). Notre-Dame brûle est la reconstitution minutieuse de l’incendie qui s’est déclaré le 15 avril 2019 dans la cathédrale parisienne et a engendré un traumatisme planétaire suivi d’un bel élan de solidarité. Le scénario concocté par le réalisateur avec Thomas Bidegain s’attache à une galerie de protagonistes dont le quotidien se trouve bouleversé par un concours de circonstances romanesque en diable, donnant tout son sens à l’expression selon laquelle la réalité dépasse la fiction. Les héros de cette épopée sont des gens ordinaires confrontés à des circonstances exceptionnelles qui ont pleinement conscience du fait que cet événement les projette dans la légende.






La reconstitution alterne les séquences de pure fiction, reconstituées pour certaines en studio ou dans d’autres édifices religieux, avec toutes les contraintes inhérentes aux mesures sanitaires, et des images d’actualité filmées parfois par des amateurs. C’est dire combien l’immersion dans l’événement s’avère palpitante. La méthode Annaud s’accorde idéalement avec un sujet encore présent dans tous les esprits dont on découvre les moindres rebondissements comme les étapes successives d’un suspense qu’aucun dramaturge n’aurait pu régler avec une telle précision. À l’instar de cette chasse au trésor incroyable au cours de laquelle les sauveteurs se mettent en quête du joyau de la cathédrale : la couronne du Christ dont l’acquisition par Saint Louis endetta la France pendant plusieurs décennies. Dès lors, le parti pris qui consiste à confier les rôles principaux de cette tragédie moderne à des interprètes peu connus (hormis Samuel Labarthe en général) ajoute un précieux surcroît de crédibilité à leurs personnages.






Inspiré par son sujet et l’ampleur de la reconstitution d’un événement filmé sous toutes les coutures par le moindre quidam, Jean-Jacques Annaud réussit la prouesse de reconstituer méthodiquement la tragédie dans sa chronologie, en soulignant la conjonction de circonstances qui l’a érigé au rang d’évènement historique mondialisé, à travers les innombrables moyens de communication braqués sur le monument français le plus visité d’une des villes les plus touristiques du monde. Au second degré, Notre-dame brûle est aussi la chronique démesurée d’un phénomène d’ubiquité planétaire qui a réussi à engendrer en temps réel un élan de solidarité inédit et permis à des observateurs éloignés d’adopter parfois une approche plus judicieuse des événements en mettant à la disposition des forces d’intervention leur recul devenu un atout. C’est en jouant autant sur l’individuel que le collectif qu’Annaud trouve la juste distance pour raconter cette histoire dont nous avons tous été témoins de près ou de loin.

Jean-Philippe Guerand










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