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“Moneyboys” de C. B. Yi



Xúnzhǎo Film franco-austro-belgo-taïwanais de C. B. Yi (2020), avec Kai Ko, Chloe Maayan, JC Lin, Bai Yufan, Sun Qiheng, Lin Zhengxi, Zeng Meihuizi… 1h56. Sortie le 16 mars 2022.






La Chine que prend pour cadre le premier long métrage de C. B. Yi offre un aspect que le cinéma de ce pays nous a rarement montré. On y suit en effet un jeune homme venu de sa campagne qui doit se prostituer pour pouvoir vivre confortablement en ville. Sans doute parce que son auteur, originaire d’un modeste village de pêcheurs, a passé une partie de son existence en Autriche où il a étudié le cinéma sous la direction de Michael Haneke et de son chef opérateur, Christian Berger. Par la suite, son film a été produit hors-sol grâce à un attelage coproductif entre l’Europe et Taïwan. Il n’entend donc en aucun cas présenter un portrait réaliste de ce pays. Son sujet l’exclut de fait : il traite de la passion de deux garçons dont l’un est venu de la campagne à la ville où il a entrepris de se prostituer en vue d’obtenir une vie meilleure pour sa famille. Tourné dans le plus grand secret au cours de l’été 2019 à Taipei, mais situé en Chine populaire d’où est originaire son réalisateur, Moneyboys vibre au rythme de la fureur de vivre d’une jeunesse qui rêve de liberté, en ayant pleinement conscience du prix à payer. Il émane de ce film révélé au sein de la section Un certain regard du dernier festival de Cannes un ton qui n’est pas sans évoquer certaines œuvres de jeunesse de Wong Kar-wai par les relations de complicité amicale et amoureuse qu’entretiennent ses protagonistes. Malgré la gravité des situations qui y sont mises en scène, ce film s’autorise à exalter les sentiments comme le plus sûr des remèdes à la solitude et à l’adversité.






C’est sous la forme de plans séquences sublimés par la lumière du chef opérateur globe-trotter Jean-Louis Vialard qui inoculent à son projet un supplément dynamique efficace que C. B. Yi articule cette chronique qui assume son caractère romantique en misant sur ses codes les plus éprouvés, sans pour autant jamais surfer sur les lieux communs. Il joue à cet effet davantage sur l’éloquence des silences que sur une quelconque logorrhée et réussit à tisser ainsi des relations subtiles entre des personnages qui se révèlent dans leurs comportements plutôt que dans de longs discours. Pour cela, il s’en remet à des interprètes chevronnés qu’il inscrit parmi des non-professionnels afin de donner le maximum d’authenticité et d’épaisseur humaine à cette histoire simple qui s’articule sur un double niveau de lecture où les sentiments se heurtent contre une réalité sociale et politique à laquelle la morale sert de prétexte. C’est toute la subtilité de ce jeune réalisateur à suivre que de trouver le ton juste pour donner à son discours une portée universelle à travers la puissance d’une émotion jamais ni frelatée ni fabriquée.

Jean-Philippe Guerand








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