Film franco-belge d’Antoinette Boulat (2021), avec Lou Lampros, Tom Mercier, Carmen Kassovitz, Angelina Woreth, Lucie Saada, Emmanuelle Bercot, Maya Sansa, Bakary Sangaré… 1h27. Sortie le 9 mars 2022.
Tom Mercier et Lou Lampros
Journaliste au magazine “Première” dans les années 80, Antoinette Boulat s’est imposée par la suite comme directrice de casting en collaborant avec certains des auteurs les plus brillants du cinéma français parmi lesquels Jacques Doillon (avec à la clé un prix d’interprétation féminine décerné à la petite Victoire Thivisol pour Ponette à Venise en 1996), Olivier Assayas, Benoît Jacquot ou Albert Dupontel. Fille du photo-reporter Pierre Boulat, qui fut l’un des contributeurs français attitrés du prestigieux magazine “Life”, elle passe aujourd’hui à la réalisation avec un film très personnel qui lui a été inspiré par la mort de sa sœur aînée, Alexandra (dont on entrevoit le portrait sur un mur au début du film), victime d’une rupture d’anévrisme en 2007 à Ramallah, en Cisjordanie, où elle s’était installée. Ma nuit est celle d’une adolescente qui doit devenir adulte sous cette ombre tutélaire écrasante et dont le deuil intime n’a jamais été reconnu à sa juste valeur par les siens, sa mère (incarnée par Emmanuelle Bercot) recluse dans sa douleur s’obstinant à souffler les bougies de sa fille perdue sur un gâteau d’anniversaire symbolique. Mais même si l’inspiration du film est largement autobiographique, Antoinette Boulat rajeunit son héroïne pour souligner le poids du deuil sur une jeune femme qu’il empêche de devenir adulte et d’assumer sa propre destinée. Et surtout, elle en tire une œuvre cinématographique poignante et assez universelle.
Lou Lampros et Carmen Kassovitz
Le temps d’une nuit d’errance, Marion va traîner son spleen dans un Paris où les solitudes se croisent et se télescopent et où les brèves rencontres n’ont pas nécessairement besoin de longs discours pour réchauffer les cœurs meurtris. Un rôle avec lequel fait corps Lou Lampros qui témoigne par sa présence de l’instinct d’Antoinette Boulat, non seulement en tant que dénicheuse de talents, mais sur le registre sensoriel de la direction d’acteurs. Avec face à elle un interprète atypique, Tom Mercier, révélé par Nadav Lapid dans le rôle principal de Synonymes. Avec ce premier long métrage tourné dans un Paris magnifié par la photo le plus souvent nocturne de la prometteuse Laetitia de Montalembert, dont c’est également le premier long métrage, la réalisatrice signe une authentique chronique d’apprentissage comme on en voit souvent à l’aube d’une carrière de la part de cinéastes beaucoup plus jeunes. Avec une intensité qui relève à la fois d’un propos très autobiographique et de la contribution à l’écriture de la fort expérimentée Anne-Louise Trividic, qui collabora notamment avec Patrice Chéreau. Ma nuit réussit à concilier la gravité de son travail de deuil avec un traitement résolument chargé d’espoir. Comme un exorcisme en douceur contre les mauvais démons qui viennent à nous menacer dans certaines circonstances douloureuses.
Jean-Philippe Guerand
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