Film français de Christophe Barratier (2021), avec Léo Campion, Guillaume de Tonquédec, Mélanie Doutey, François-Xavier Demaison, Michel Vuillermoz, Anne Charrier, Olivia Côte, Bruno Raffaelli, Gwendoline Doycheva, Jean-Louis Barcelona… 1h40. Sortie le 23 mars 2022.
Baptiste Negrel et Léo Campion
On s’en souvient, Yves Robert avait porté à l’écran La gloire de mon père et Le château de ma mère (1990), les deux premiers volumes des mémoires de Marcel Pagnol, incontournables classiques scolaires dont le succès ne s’est pas démenti depuis six décennies. Manquaient les deux derniers pans de ces “Souvenirs d’enfance”, Le temps des secrets et Le temps des amours, qui n’avaient eu droit quant à eux qu’à des adaptations télévisuelles signées Thierry Chabert en 2006. Considéré comme un spécialiste de l’enfance depuis ses remakes Les choristes (2004) et La nouvelle guerre des boutons (2011), Christophe Barratier semblait prédisposé à mettre en scène cette enfance provençale qui sent bon l’anis et la lavande. Il s’y est attelé en veillant à rester aussi fidèle que possible à l’esprit et à la lettre du récit de Pagnol, charmante évocation des vacances insouciantes que passe le jeune Marcel au cours de l’été qui sépare sa sortie de l’école primaire de son entrée dans le secondaire, en compagnie de son camarade Lili des Bellons que son père réquisitionne pour l’aider aux travaux des champs, favorisant ainsi sa rencontre avec une pimbêche dont le père est poète. C’est l’éveil de l’amour au contact d’une gamine qui se comporte avec l’aplomb d’une femme fatale, épisode que les scénaristes Louis Nucera et Jérôme Tonnerre avaient déjà choisi d’inclure au script du Château de ma mère afin de renforcer l’épaisseur romanesque du film d’Yves Robert.
Guillaume de Tonquédec
La reconstitution tirée à quatre épingles se soumet aux descriptions de Pagnol et magnifie ce paradis écrasé de soleil niché entre les collines d’Aubagne et d’Allauch à la façon d’une carte postale touristique. Tout entier au service du texte, Christophe Barratier essaie moins de marcher dans les pas de l’écrivain qui fut lui-même un cinéaste talentueux que de s’aligner sur les deux films populaires qu’il avait inspiré à Yves Robert. La forme compte ici bien moins que le fond qui idéalise une enfance dans la garrigue avant même que la Grande Guerre n’inflige à l’Europe malheur et dévastation. Une insouciance qu’on ne retrouve bizarrement dans aucun des films de Pagnol lui-même. Sans doute parce qu’entre-temps, l’époque s’était chargée de noircir le tableau et que l’adulte avait perdu l’innocence de son enfance sur laquelle il n’est revenu qu’à un âge avancé, au tournant des années 60. Le temps des secrets est donc baigné de ce calme qui précède la tempête où rien n’est vraiment grave sinon l’insouciance qui anime ses protagonistes passés d’une colline à l’autre, mais toujours animés par cette même joie de vivre que l’absence de moyens de communication contribue à préserver. Car ce film nous parle d’un temps où la TSF et les étranges lucarnes de la télévision n’avaient pas encore entrepris de coloniser les esprits. Reste maintenant pour sa productrice, la vaillante Hélène Cazes, qui a choisi de dédier à sa fille cette belle histoire qu’elle lui a tant lue dans son enfance, à s’attaquer au quatrième et ultime tome des mémoires de Pagnol, Le temps des amours, volume inachevé et posthume publié en 1977. C’est tout le mal qu’on lui (et nous) souhaite.
Jean-Philippe Guerand
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