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“Là-haut perchés” de Raphaël Mathié




Documentaire français de Raphaël Mathié (2021), avec Pascal Béguin, Corinne Bernard, Philip Cosgrove, Nick Harford, Michel Korber, Aric Leroy, François Lesbros, Christiane Restrelli, An Vangheluwe, Cyril Zamora… 1h47. Sortie le 2 mars 2022.





La vie, mode d’emploi. Ainsi pourrait-on résumer cette immersion dans un hameau niché au cœur des Alpes de Haute-Provence où vivent quelques personnages hauts en couleurs qui sont perchés au double sens du terme. Liés par une solidarité à toute preuve, les habitants de Chasteuil sont les acteurs malgré eux du théâtre de la vie, chacun avec son histoire intime et de très bonnes raisons d’être monté aussi haut. Raphaël Mathié s’était isolé initialement dans cette bourgade d’une quinzaine d’âmes pour y écrire. Jusqu’au moment où le doyen des lieux, Mich, lui a conseillé d’ouvrir les yeux et de regarder autour de lui. Ainsi est né un film qui puise sa force de son ancrage dans le réel. La caméra s’insinue dans l’intimité de ces hommes et de ces femmes qui vaquent à leurs activités quotidiennes comme s’ils ignoraient qu’une caméra est là qui les observe sans bouger. Là-haut perchés est une tranche de vie dont certains moments constituent d’authentiques morceaux d’anthologie, pour une bonne part grâce à la sincérité de ceux qui l’habitent.





Ce film singulier commence par un enterrement sur une chanson de Charles Trenet. Sans le moindre pathos pour autant. Ici, la mort n’est pas nécessairement un psychodrame. C’est d’abord la chaleur humaine qui unit cette assistance qu’on ne connaît pas davantage que le défunt. Au crépuscule de son existence, Mich (frère du cinéaste récemment disparu Serge Korber) ressent quant à lui le besoin de faire part de son expérience à sa famille et à ses amis, lui qui a enduré la misère et l’antisémitisme dans une famille nombreuse. Alors il fait appel à un écrivain public pour l’assister dans ce devoir de mémoire en trouvant les mots les plus justes. Simultanément, affleure de ces portraits croisés qui laissent une large place au silence une solidarité que les villes ont rendu aussi rare que précieuse. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé dans ce monde à part que le doyen se souvient avoir découvert à une époque où il n’était accessible que par une route en terre et caché par des amas de rochers. Avec pour l’essentiel des murs en guise de maisons aujourd’hui rénovées et habitées par des originaux parmi lesquels un chanteur de blues anglais de retour d’Inde et une adepte du yoga. Des spécimens d’humanité qui invitent à la compassion par leur pureté. Jusqu'au moment où la pandémie assombrit le paysage comme un méchant nuage… Là-haut perchés nous propose un remède apaisant et souriant au fracas du monde.

Jean-Philippe Guerand








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