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“La campagne de France” de Sylvain Desclous




Documentaire français de Sylvain Desclous (2021) Avec Mathieu Barthélémy, Guy Buret, Jean-Paul Charrier, Patrick Cron 1h38. Sortie le 9 mars 2022.



Mathieu Barthélémy et Guy Buret



L’approche des élections présidentielles nous vaut un afflux de films politiques, avec une nette prédilection en faveur des documentaires en immersion. Dans Municipale de Thomas Paulot, c’est un comédien professionnel qui venait jouer les trouble-fêtes en se présentant comme candidat surprise. Dans La campagne de France, c’est un enfant du pays revenu de la grande ville, Mathieu, qui tente de séduire ses ex-concitoyens de Preuilly-sur-Claise. La succession du maire sortant est déclarée ouverte, mais celui-ci entend bien continuer à tirer les ficelles de la municipalité avec le concours de sa garde rapprochée. Affleurent les réactions épidermiques des électeurs cramponnés à des réflexes d’un autre âge : il n’est pas d’ici (Mathieu est parti à la fin de ses études), il est trop jeune (il a tout de même… 38 ans !) et doit se rendre identifiable par tous les habitants, un à un. Par ailleurs, le candidat s’est adjoint pour directeur de campagne Guy Buret, un séducteur en coupé Mercedes qui cristallise les passions par ses extravagances et fait figure d’Iznogoud local par sa maîtrise des coup fourrés. Un vieux de la vieille qui voit dans cet outsider providentiel le moyen providentiel d’exercer son influence, même si ce n’est pas avec une grande subtilité, et surtout de prendre sa revanche sur ceux qui le jalousent ou le détestent cordialement.



Mathieu Barthélémy et Guy Buret



Sylvain Desclous s’était fait remarquer avec Vendeur, son premier long métrage de fiction. Il adopte cette fois les codes du documentaire pour dessiner les contours d’une bourgade qui ressemble au fameux Clochemerle de Gabriel Chevallier par les mentalités qui l’animent depuis des lustres et pour encore longtemps. Le film est plutôt réjouissant par son ancrage dans cette province immuable qu’exaltait naguère Pierre Bonte. Il est aussi amer sinon cruel par le fossé qui sépare un candidat trop candide de ses rivaux plus pragmatiques et dépourvus d’états d’âme. En s’attachant au plus improbable des candidats, un type au look improbable et aux cheveux longs qui détonne dans le paysage local. Un citadin en immersion chez les ruraux qui a du mal à se faire entendre et compte sur son comparse local pour réussir sa greffe. C’est de ses protagonistes pittoresques mais parfois désarmants de sincérité que La campagne de France tire son originalité nourrie de rebondissements pour le moins inattendus qu’aucun scénariste n’aurait pu imaginer. Pas même le plus expérimenté. Cette immersion dans la France dite profonde se révèle aussi savoureuse que poignante, à travers l’émotion que suscitent les relations du candide avec son vieux père.

Jean-Philippe Guerand







Mathieu Barthélémy et son père


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