Film français de Frédéric Tellier (2021), avec Gilles Lellouche, Pierre Niney, Emmanuelle Bercot, Marie Gillain, Laurent Stocker, Yannick Renier, Jacques Perrin, Chloé Stefani, Sieme Miladi… 2h02. Sortie le 9 mars 2022.
Gilles Lellouche
Il est des sujets brûlants que le cinéma français peine à traiter. Sans doute parce qu’il n’en possède pas la culture. Ce qu’Hollywood a réussi avec des films tels qu’Erin Brockovich, seule contre tous (2000) de Steven Soderbergh ou Dark Waters (2019) de Todd Haynes reste un terrain encore largement en friche dans l’Hexagone où les grandes causes donnent plus facilement lieu à des documentaires d’investigation qu’à des œuvres de fiction dont le financement est entravé par des industriels le plus souvent impliqués également dans les médias et la culture au sens large. Reste une tradition de trublions engagés qu’ont perpétuée au fil du temps André Cayatte, Costa Gavras, Yves Boisset voire le trop méconnu Éric Valette (Une affaire d’État, 2009). Goliath constitue en cela une exception notable qui s’attaque au fléau des pesticides. Habitué à se frotter à des sujets sensibles, le réalisateur de L’affaire SK1 (2014) et de la série “Les hommes de l’ombre”, Frédéric Tellier, choisit de croiser les destins de trois personnages aux intérêts divergents sinon opposés pour traiter d’un problème crucial de santé publique.
Chloé Stefani
En adoptant la facture codifiée du thriller, Goliath décrypte intelligemment des mécanismes particulièrement complexes sans pour autant procéder à une opération de vulgarisation approximative. C’est sans doute le moyen le plus efficace d’aborder une thématique aussi complexe et, il faut bien l’admettre, de rallier à sa cause le plus vaste public possible en suscitant une prise de conscience. Frédéric Tellier maîtrise les conventions du film à thèse en donnant un supplément d’âme déterminant à ses protagonistes qu’incarnent des comédiens aussi populaires que Pierre Niney, dans un contre-emploi antipathique qui casse un peu son image, Gilles Lellouche, dans un rôle d’avocat qui entérine la mue dramatique entreprise par l’acteur avec Adieu Monsieur Haffmann, mais aussi Emmanuelle Bercot, Laurent Stocker et Yannick Renier. Avec en filigrane un décryptage effrayant du rôle irrésistible qu’en sont venus à jouer les lobbyistes dans les plus hautes sphères politiques. Et comme le veut la mythologie, le combat entre David et Goliath ne s’achève pas nécessairement comme on pouvait l’escompter et la raison du plus fort n’est pas toujours la meilleure dans ce film efficace qui mêle l’utile à l’agréable.
Jean-Philippe Guerand
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