Film italo-belge de Gabriele Mainetti (2021), avec Franz Rogowski, Claudio Santamaria, Pietro Castellito, Aurora Giovinazzo, Giancarlo Martini, Giorgio Tirabassi, Max Mazzotta, Eric Godon, Emilio de Marchi, Anna Tenta… 2h21. Sortie le 30 mars 2022.
Claudio Santamaria, Pietro Castellito et Giancarlo Martini
Rome, 1943. Alors que la ville est occupée par les nazis, les phénomènes de foire d’un cirque voient disparaître le patron qui les protégeait et se retrouvent seuls contre tous, perdus dans cette ville éternelle d’où ils devaient partir vers l’Amérique. C’est grâce à leur solidarité et à une série de stratagèmes ingénieux qu’ils vont parvenir à échapper à ceux qui leur veulent du mal et à leur rendre coup pour coup. Après s’être essayé au cinéma de super-héros avec son premier long métrage, On l’appelle Jeeg Robot (2015), le réalisateur italien Gabriele Mainetti persiste et signe avec Freaks Out. Il situe cette fois son propos dans un cadre historique particulièrement connoté : l’Italie de Benito Mussolini elle-même étouffée par son ex-allié Adolf Hitler. L’idée force du film est d’assimiler les artistes de ce cirque protégés par le très paternel Israel aux minorités que le Troisième Reich a désigné comme ses souffre-douleur en les déportant dans ses camps d’extermination. Simultanément, leur tourmenteur est un officier qui se rêve en patron du plus beau chapiteau du monde, le Cirkus Berlin, à travers des attractions et des fauves exceptionnels.
Freaks Out utilise un moyen alternatif pour évoquer les sévices infligés à l’Italie par l’Allemagne nazie. Il n’a pas peur d’appliquer les conventions du cinéma de super-héros à une page particulièrement traqique de la Seconde Guerre mondiale. Une licence poétique d’autant plus efficace que Mainetti revendique sa filiation de metteur en scène visionnaire et ne se prive pas de multiplier les anachronismes pour mener ce propos à son terme. Freaks Out est un hymne à la tolérance qui manie avec virtuosité des archétypes et des conventions venus d’ailleurs. Ses héros sont des sortes de cousins italiens des X-Men qui mettent leurs pouvoirs extraordinaires au service d’une juste cause. C’est là que se situe la modernité de ce film bouillonnant d’inventivité dont les protagonistes semblent parfois possédés par les pouvoirs dont ils ont hérité, mais qu’ils rechignent à utiliser. Les Y-Men sont nés !
Aurora Giovinazzo et Giancarlo Martini
Sous leur apparence de phénomènes de foire, battent des cœurs purs qui n’assument pas toujours la mission qui leur est assignée. Dès lors, Freaks Out apparaît comme un film de super-héros qui revendique son humanité hors du commun et prend pour héros des innocents charmeurs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le réalisateur cite comme références La monstrueuse parade (1932) de Tod Browning et Le mari de la femme à barbe (1964) de Marco Ferreri. Freaks Out est en cela une réponse logique à Freaks. Ses anti-héros sont en fait des victimes qui se révoltent, en l’occurrence contre l’oppresseur nazi que représente ce Monsieur Loyal en uniforme d’officier campé par le toujours étonnant Franz Rogowski, en réincarnation moderne de Peter Lorre. La symbolique est l’une des composantes essentielles de ce film qui revendique autant sa modernité qu'un burlesque à la Guillermo del Toro. Son scénariste, Nicola Guaglianone, est un virtuose dont on entendra reparler.
Jean-Philippe Guerand
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