Film français de Cédric Klapisch (2022), avec Marion Barbeau, Hofesh Shechter, Denis Podalydès, Muriel Robin, Pio Marmaï, François Civil, Souheila Yacoub, Damien Chapelle… 1h57. Sortie le 30 mars 2022.
Cédric Klapisch a souvent connu les faveurs du public. Sans doute parce qu’il a souvent su mettre sa sincérité au service de justes causes, tout en captant comme personne l’air du temps. Chez lui, aucun sujet n’est négligeable, car il y investit la même passion. En corps est ainsi la chronique d’une rédemption. Celle d’une danseuse classique qui a tout pour être heureuse. Jusqu’au moment où elle réalise que l’homme dont elle est éprise la trahit avec une autre. Le choc affectif en entraîne un autre, physique celui-là : une blessure qui a raison de tous ses projets et la contraint à s’arrêter. Or, quoi de plus cruel pour une danseuse que d’être condamnée à l’immobilisme ? À travers le calvaire d’Élise, qui est la hantise de tous les athlètes de haut niveau, Cédric Klapisch interroge notre capacité de résilience, en montrant à quel point le corps possède sa propre mémoire inconsciente. Il s'attache en outre à une discipline et à un milieu avec lesquels il a déjà eu l'occasion de se familiariser à travers ses documentaires pour le petit écran Aurélie Dupont danse l’espace d’un instant (2010) et Quatre chorégraphes d’aujourd'hui à l’Opéra de Paris: Thierrée/Shechter/Pérez/Pite (2021). La convalescence de la ballerine, qui constitue un véritable retour à la vie, se trouve ici balisée de points d’interrogation qui vont trouver des réponses parfois inattendues. Cette incertitude innerve un film qui excelle à exprimer les doutes d’une femme en proie à une mécanique qui lui échappe autant qu’elle l’asservit.
Le corps possède lui aussi ses raisons que la raison ne connaît pas. Élise vit depuis sa prime jeunesse pour la danse, l’une des activités les plus contraignantes qui soient. Un authentique sacerdoce façonné à grands renforts de contraintes et de sacrifices. Avec en ligne de mire, la gloire… ou l’oubli. Le cinéma a souvent exalté cet art ingrat dans des Success Stories façonnées de morceaux de bravoure, des Chaussons rouges à West Side Story. Rien de tout cela dans En corps où le salut vient d’une révélation. Au contact d’une troupe de hip-hop dont elle observe les répétitions, la ballerine va découvrir une autre façon de rendre sa vitalité à son corps en se mettant au diapason des autres. À la grâce des entrechats va se substituer l’énergie collective des danses urbaines. Ce retour à la vie, Cédric Klapisch le filme avec son empathie naturelle, en s’appuyant sur deux atouts maîtres. D’abord son interprète principale, la danseuse Marion Barbeau. Ensuite le chorégraphe israélien Hofesh Shechter. Le réalisateur complète en outre ce dispositif en confiant des rôles à des figures qui lui sont familières, qu’il s’agisse de Pio Marmaï ou François Civil, mais aussi à Muriel Robin dans un contre-emploi chaleureux. Comme son titre l’indique assez justement, ce film chaleureux et apaisant nous entraîne en immersion non pas dans un esprit mais dans un corps. L’expérience est saisissante.
Jean-Philippe Guerand
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