Accéder au contenu principal

“Dans les yeux de Tammy Faye” de Michael Showalter



The Eyes of Tammy Faye Film américano-canadien de Michael Showalter (2021), avec Jessica Chastain, Andrew Garfield, Cherry Jones, Vincent d’Onofrio, Mark Cameron Wystrach, Sam Jaeger, Louis Cancelmi, Gabriel Olds… 2h06. Diffusion à partir du 23 mars 2022 sur Disney+.



Andrew Garfield et Jessica Chastain



Difficile pour un spectateur européen et a fortiori français de se figurer l’importance du phénomène des télévangélistes aux États-Unis où la parole de ces prêcheurs parfois charismatiques s’exprime sur des centaines de canaux télévisés regardés chaque jour par des millions de personnes, au nom de la sacro-sainte liberté de parole garantie par la Constitution américaine. Il suffit parfois de louer à l’heure des créneaux de diffusion sur des faisceaux dédiés à cet usage pour pouvoir y colporter n’importe quel sermon qui en appelle aux enfants de Dieu et se réclame de paroles sacrées aux origines indéterminées. C’est sous le signe du Tout-Puissant que Tammy Faye et son mari Jim Bakker ont bâti dans les années 70 et 80 un véritable empire de la foi qui comprenait même un parc d'attractions, avant de voir ce mirage à but lucratif se dissiper sous l’effet d’une réalité sonnante et trébuchante. Cette Success Story à l’américaine est l’occasion pour Michael Showalter (comédien auquel The Big Sick a valu les prix du public des festivals de Locarno et de Valladolid en 2017) d’en démonter les mécanismes, à travers le personnage extravagant que campe Jessica Chastain, totalement méconnaissable dans une composition hallucinante où l'actrice peut enfin sa pleine démesure après tant de rôles indignes de sa nature volcanique parce que trop conventionnels.



Jessica Chastain


Derrière la litanie des messages d’amour et de tolérance, se cache un couple diabolique à qui son sens consommé des affaires et sa détermination à toute épreuve vont permettre de duper un immense troupeau de brebis égarées prêt à payer au prix fort la paix de ses ouailles, en écoutant des sermons lénifiants et en gobant avec une déroutante candeur les échos tapageurs d’un songe creux. Le film décrypte avec une bonne dose d’humour cette escroquerie de masse, grâce à la composition spectaculaire de Jessica Chastain, ongles interminables, faux cils et voix de midinette en guise d’armes fatales, le cœur sur la main pour la galerie et la main dans le sac pour satisfaire ses besoins. Elle est en fait la tête de gondole de cette petite entreprise prospère dont son mari prédicateur campé par Andrew Garfield surveille les livres de comptes sans barguigner. On y retrouve ce mauvais goût ringard et complaisant qui contribuait déjà au charme d’un film comme Ma vie avec Liberace de Steven Soderbergh. The Show Must Go on, certes, mais pas à n’importe quel prix. Cette satire savoureuse s’avère au fond d’une cruauté assez jubilatoire.

Jean-Philippe Guerand







Jessica Chastain

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract