Documentaire suisso-français de Jean-Stéphane Bron (2020), avec Alexandre Pouget, Hadrien Pouget, Christof Koch, Niels Birbaumer, David Rudrauf, Aude Billard… 1h45. Sortie le 16 mars 2022.
Jean-Stéphane Bron appartient à cette catégorie de documentaristes qui passent d’un sujet à l’autre avec une implication totale, mais aussi en adoptant une posture d’écoute absolue. Après avoir traité du pouvoir des banques dans Cleveland contre Wall Street (2010) et visité les arcanes de L’Opéra (2017), le réalisateur suisse s’attaque dans Cinq nouvelles du cerveau aux ressources les plus méconnues de notre intellect, en passant à la question les plus grands experts mondiaux, des femmes et des hommes qui ont voué leur existence à la recherche, avec ce fol espoir d’améliorer le monde. Cet état des lieux a le grand mérite de ne jamais se montrer ni verbeux ni nébuleux. En adoptant la posture du candide, le réalisateur russe a le mérite de s’adresser au plus grand nombre, sans jamais cantonner son propos à de quelconques spécialistes. Une méthode efficace qui passe par le choix des intervenants auxquels il s’adresse, des scientifiques passionnés soucieux de communiquer la passion qui les anime sans jargon ni mépris. Non seulement leurs propos sont parfaitement intelligibles pour n’importe quel profane, mais ils s’assortissent de considérations périphériques, qu’elles soient intellectuelles, philosophiques, morales ou même artistiques. Pas de science sans conscience…
Le film s’ouvre sur un conflit de générations passionnant. A travers leur passion unique, deux générations expriment des points de vue corrélatifs à travers des approches qui reflètent certains sursauts récents de la science. Alexandre Pouget a consacré son existence à élaborer des systèmes de reproduction sophistiqués de l’intelligence et même de la conscience humaine, là où son fils prodigue, Hadrien, spécialiste d’intelligence artificielle exilé à Oxford, exprime des scrupules qui relèvent de l’éthique fondamentale. La réussite de ce film est de s’attacher en permanence au caractère proprement humain de ses éminents protagonistes. À l’instar du neuroscientifique Christophe Koch bouleversé par la fin inéluctable de son chien qui le laisse impuissant ou du jeune chercheur David Rudrauf capable de s’émerveiller à l’idée de devenir père. La réussite de Jean-Stéphane Bron consiste à choisir des intervenants pertinents qui élargissent le spectre de son sujet dans ses extensions les plus inattendues, qu’il s’agisse de rompre l’isolement des victimes du locked-in-syndrom dont fut naguère victime l’auteur du “Scaphandre et le papillon”, Jean-Dominique Bauby, ou même de reproduire à l’identique cette main humaine qui synthétise les perspectives infinies de la robotique. Tel est le voyage fantastique auquel nous invite cette immersion parmi les plus hautes sphères de l’esprit qui se caractérise par son approche humaine, mais jamais trop.
Jean-Philippe Guerand
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