Film français de Vincent Le Port (2021), avec Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent, Roman Villedieu, Alex Fanguin, Tino Vigier, Nelly Bruel, Ivan Chiodetti, Rémy Leboucq… 1h41. Sortie le 23 mars 2022.
Dimitri Doré
Au sein du cinéma français, l’œuvre de René Allio n’a que très peu fait école. Au point d’avoir aujourd’hui sombré dans un quasi-oubli d’autant plus regrettable que son application d'un formalisme de l’épure l’a préservée formellement des assauts du temps. Le premier long métrage de Vincent Le Port s’inscrit pourtant dans cette lignée par son économie de moyens et un refus du sensationnalisme qui évoquent Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… (1976), œuvre clé elle-même inspirée d’un ouvrage du philosophe Michel Foucault. Bruno Reidal, confession d’un meurtrier a beau se dérouler en 1905, c’est-à-dire soixante-dix ans plus tard, sa démarche fait en quelque sorte abstraction des contingences de la reconstitution d’époque pour se concentrer sur la tempête qui gronde sous le crâne de son assassin, un jeune séminariste du Cantal coupable d’avoir décapité un enfant de 12 ans dans ce qui ressemble à un acte gratuit, mais se caractérise par une sauvagerie méthodique résultant d'un processus psychologique complexe et trop longtemps étouffé.
Difficile de dissocier ce film de son interprète principal, Dimitri Doré, dont la caméra ne se lasse pas de cadrer le visage ténébreux, comme pour y saisir un embryon d’explication à son acte irrationnel. Bruno Reidal propose l’étude clinique d’un meurtrier au mobile nébuleux, un garçon de la campagne en proie à des pulsions immaîtrisables qui rappellent celles manifestées par le tueur en série campé par Michel Galabru dans Le juge et l’assassin (1976) de Bertrand Tavernier qui se déroulait quant à lui une douzaine d’années plus tôt. Le parti pris du film de Vincent Le Port consiste à s’attacher en quelque sorte à l’autopsie d’un meurtre qui ouvre le film pour tenter d’établir son mobile. En l’occurrence, c’est contre ses pulsions que le tueur lutte depuis toujours et son acte criminel n’est que l’aboutissement d’un authentique calvaire intérieur. Destiné à devenir séminariste, il vient ruiner cet avenir de reclus par son acte qu’il vit en quelque sorte comme une libération. C’est la thèse que défend le film en s’efforçant de décrire au plus près cette tempête sous un crâne qui l’agite et le ronge. La mise en scène clinique établit un rapport entre l’image dépouillée à l’extrême, qui rappelle l’ascétisme de certains films de Rossellini ou des Taviani, et une voix off qui nous guide à travers ce dédale introspectif, en évacuant d’emblée la tentation du suspense par le spectacle du crime et en se concentrant sur son auteur tourmenté afin de capter le trouble qui l’agite.
Jean-Philippe Guerand
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