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“Belfast” de Kenneth Branagh




Film britannique de Kenneth Branagh (2021), avec Caitríona Balfe, Jamie Dornan, Ciarán Hinds, Jude Hill, Judi Dench, Colin Morgan, Lara McDonnell, Josie Walker, Máiréad Tyers, Michael Maloney… 1h39. Sortie le 2 mars 2022.






Seulement trois semaines après Mort sur le Nil, sa deuxième adaptation d’Agatha Christie, voici Kenneth Branagh de retour avec son film le plus personnel. Une évocation de son enfance en Irlande du Nord semée de petits cailloux blancs qui semblent là pour nous convaincre de sa sincérité, qu’il feuillette un illustré à la gloire de Thor, regarde la série “Strar Trek” à la télévision où qu’il aille au cinéma découvrir ces fleurons du cinéma du samedi soir que sont Un million d’années avant J ésus Christ ou Chitty Chitty Bang Bang. Le film s’ouvre sur des images aériennes de la ville portuaire en couleur, pour passer en noir et blanc dans un panoramique vertical d’une rare élégance. Passé du théâtre au cinéma, Branagh est devenu un virtuose de la mise en scène qui a compris tout le bénéfice qu’il pouvait tirer d’une caméra bien utilisée sans pour autant confondre esbroufe et virtuosité. Il braque aujourd’hui son objectif sur cette période clé au cours de laquelle, un mois seulement après que Neil Armstrong ait le premier foulé le sol de la lune, la grogne sociale a rallumé une guerre de religion en transformant la rue où il habitait en un champ de bataille. Saisissant raccourci entre les gamins qui utilisent les couvercles des poubelles comme boucliers et les affrontements qui opposent manifestants et forces de l’ordre dans des rues préalablement dépavées.






Belfast constitue pour Kenneth Branagh l’équivalent de ce que fut pour son glorieux aîné John Boorman Hope and Glory, d’ailleurs sous-titré “La guerre à neuf ans”, l’âge exact du petit Buddy à la bouille d’ange au début du film. Il aura fallu plus d’un demi-siècle au cinéaste pour trouver le juste point de vue sur son enfance dans laquelle il idéalise avec tendresse une mère toute puissante (Caitríona Balfe), des grands-parents complices (Judi Dench et Ciarán Hinds), un père intermittent (Jamie Dornan) qui travaille comme menuisier de l’autre côté de la frontière, son frère aîné et la première de sa classe à qui il ne peut adresser la parole sans bafouiller. Le réalisateur fend l’armure avec délicatesse en exorcisant ce moment clé de son existence qui l’a conduit à quitter sa terre natale. Un pèlerinage pétri de tendresse qui résonne ainsi comme le devoir de mémoire d’un artiste dont on pressent qu’il est de nature à faire basculer la suite de sa carrière dans une nouvelle dimension. Branagh ne cache pas davantage la peur qu’il a éprouvée que ces moments de bonheur qu’il a vécus dans la semi-obscurité rassurante des salles obscures. Le tout sur une partition musicale du grande Van Morrison qui vaut tous les tubes vintage. Cette élégante invitation à la nostalgie est un pur bonheur dans lequel l’artiste se garde bien de trahir le petit garçon qu’il a été.

Jean-Philippe Guerand








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