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“Ali & Ava” de Clio Barnard




Film britannique de Clio Barnard (2020), avec Adeel Akhtar, Claire Rushbrook, Shaun Thomas, Ellora Torchia, Natalie Gavin, Mona Goodwin, Krupa Pattani, Vinny Dhillon, Tasha Connor… 1h35. Sortie le 2 mars 2022.






C’est une pure histoire d’amour entre une assistante pédagogique dont le fils vient à son tour de devenir père et un propriétaire aux petits soins pour ses locataires désargentés. Avec pour épicentre Bradford, une ville industrielle du Yorkshire où est né le peintre David Hockney qui compense sa misère endémique par la solidarité que manifestent ses habitants pour la plupart issus de l’immigration à l’égard des nouveaux venus, le plus souvent originaires d’autres horizons géographiques. C’est dans ce contexte sociologique pesant que Clio Barnard situe son quatrième film, après en avoir déjà fait le décor du Géant égoïste (2013). Un mélodrame assumé qui s’inscrit dans le cadre de cette cité post-industrielle que ses habitants de bonne volonté empêchent de sombrer par leur solidarité exemplaire et leur capacité à accueillir de nouveau arrivants. Dans la meilleure tradition du cinéma naturaliste britannique, la réalisatrice choisit de montrer ses protagonistes dans un cadre bien peu glamour qui contraste avec la fraîcheur et l’intensité de leurs sentiments réciproques. Une façon pour elle de nous montrer qu’ils ont pris leur parti de leur infortune et préfèrent voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide pour éviter de sombrer.






Comme After Love d’Aleem Khan qu’on a découvert récemment, Ali & Ava s’inscrit dans la tradition d’un jeune cinéma d’auteur métissé qui prend pour cadre cette société plurielle britannique dont les différentes communautés se côtoient davantage qu’elles ne s’interpénètrent pour composer une nation plurielle au fond assez éloignée de la laïcité française. L’intelligence du film est de ne pas se focaliser sur l’origine ethnique de ses tourtereaux, en montrant davantage ce qui les rapproche de ce qui les sépare, sous le regard pas toujours complice de leur entourage proche. Clio Barnard évite de mettre en scène des cas sociaux. Ses amoureux possèdent leur place assignée au sein de cette société. Leur problème, c’est précisément que certains souhaitent les voir y rester, en s’abstenant de s’aventurer hors du périmètre qui leur est assigné. Alors quand Ava et Ali succombent à leurs sentiments, ils menacent une sorte de statu quo tacite qui implique qu’on évite de se mélanger. Les diverses communautés se côtoient, mais doivent rester chacune à la place que leur a assigné la société. C’est cette absurdité sur laquelle repose cette romance moins innocente qu’il ne pourrait y paraître de prime abord, à travers la confrontation d’un homme et une femme cabossés par la vie qui n’aspirent qu’à danser et à rire dans les bras l’un de l’autre.

Jean-Philippe Guerand








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