Turning Red Film américain de Domee Shi (2020), avec Rosalie Chiang, Sandra Oh, Ava Morse, Hyein Park, Maitreyi Ramakrishnan, Orion Lee, Wai Ching Ho, Tristan Allerick Chen, Lori Tan Chinn… 1h40. Mise en ligne le 11 mars sur Disney +.
Mei Lin vit avec sa famille à Toronto dans une pagode qui la renvoie à ses origines chinoises. À 13 ans, elle se partage entre sa famille attachée à des valeurs traditionnelles et à ses racines maternelles chinoises et le quatuor de choc qu’elle forme avec ses meilleures copines. Jusqu’au jour où son adolescence insouciante est perturbée par un phénomène pour le moins irrationnel : dès qu’elle se trouve débordée par ses émotions (ce qui lui arrive plus souvent qu’à son tour), la gamine se transforme en un panda roux géant qui sème perturbation et dévastation sur son passage, mais lui vaut simultanément l’admiration sinon la jalousie de ses camarades séduits par cette peluche d’une taille démesurée. Il va dès lors lui falloir s’assagir pour éviter ce changement d’enveloppe corporelle intrusif qui s’avère bien peu compatible avec sa réputation de collégienne modèle.
Alerte rouge s’inscrit dans la lignée des productions Disney conçues pour une bonne part à l’attention du marché chinois, devenu aujourd’hui plus lucratif que son homologue américain, qui ont engendré récemment des films tels que Mulan et Raya et le dernier dragon, déjà diffusés sur Disney + en Europe. Issue de la bouillonnante écurie Pixar, sa réalisatrice, Domee Shi, s’est fait remarquer avec le court métrage Bao qui lui a valu de partager un Oscar en 2019 avec Becky Neiman. C’est dire qu’elle a abordé son premier long métrage avec des références déjà sérieuses qui la prédestinaient à hériter d’un projet ambitieux, qui plus est à cheval sur deux cultures, avec les conséquences qu’implique une thématique aussi riche. Alerte rouge exalte des valeurs fortes, telles que l’amitié et la famille, sur un scénario qui recycle le principe de transformation corporelle du fameux “Docteur Jekyll et Mister Hyde” de Robert Louis Stevenson sur fond d’intégration d’une famille d’origine chinoise dans la société américaine et d’entrée dans l’âge dit ingrat.
Le film excelle à montrer le contraste saisissant qui existe entre tradition et modernité, tout en proposant une réflexion intéressante autour de l’intégration dont le pivot est la propre mère de Mei, une forte personnalité qui est passée par les mêmes épreuves que sa fille, sans imaginer pour autant que le sort continuerait à s’acharner sur sa descendance, quel que puisse être son degré d’assimilation au sein de la société américaine. En contrepoint, le film s’attache à une autre facette de l’adolescente : cet esprit de camaraderie plus fort que tout qui va lui donner la motivation et la force de tout faire pour assister à un concert de ses idoles. Un groupe mis en musique et en chansons par Billie Eilish, ce qui pare d’un bonus non négligeable la bande originale de ce film d’animation aux visées initiatiques. Sur le plan graphique, le métissage est également de mise entre un dessin traditionnel sophistiqué comme Pixar en a le secret et une influence des “animes” japonais qui passe notamment par un traitement particulier des visages. C’est tout le charme de ce film enthousiasmant qu’on peut juste déplorer de ne pas admirer sur grand écran, tant sa qualité s’y épanouirait.
Jean-Philippe Guerand
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