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“The Power” de Corinna Faith




Film britannique de Corinna Faith (2020), avec Rose Williams, Emma Rigby, Charlie Carrick, Paul Antony-Barber, Gbemisola Ikumelo, Clara Reed, Diveen Henry, Robert Goodman, Shakira Rahman… 1h33. Sortie le 16 février 2022.



Gbemisola Ikumelo et Emma Rigby



Londres, 1974. Alors que des mouvements sociaux entraînent des coupures d’électricité intermittentes qui désorganisent la vie quotidienne des Londoniens, une jeune infirmière prend son premier poste de nuit dans un hôpital délabré de l’East End dont une bonne partie de l’équipe soignante et des patients ont été évacués vers d’autres établissements pour cause de vétusté des lieux. Livrée à elle-même avec de rares collègues qui se montrent bien peu accueillants et raillent sa candeur, Val se trouve confrontée à des phénomènes irrationnels… Cette histoire de fantômes renoue avec une longue tradition du cinéma fantastique britannique en s’appuyant sur un point de départ authentique. Pour son premier long métrage, Corinna Faith a choisi d’apporter sa contribution à un genre dont elle maîtrise parfaitement les codes et s’appuie sur deux atouts principaux : un lieu en décrépitude propice à tous les fantasmes et une interprète principale omniprésente qui observe cette histoire à travers son regard faussement innocent, dans la mesure où elle est présentée comme une fille de l’Assistance publique qui a grandi dans la misère mais sous l’influence de la religion.



Rose Williams



The Power est un titre ambigu à souhait qui exprime à la fois le courant, au sens électrique du terme, et la puissance, qui émane en l’occurrence d’une présence occulte. La description est clinique avec ses décors immaculés qui contrastent avec l’angoisse que suscite l’obscurité. Corinna Faith s’est nourrie pour créer cette atmosphère de deux films en particulier : Trois femmes (1977) de Robert Altman, qui joue sur la surexposition pour exprimer le désordre mental de ses protagonistes, et Les innocents (1961) de Jack Clayton pour son pouvoir de suggestion. On peut y ajouter des références telles que L’emprise (1982) de Sidney J. Furie, film méconnu dans lequel Barbara Hershey subissait les assauts d’un démon invisible, avec déjà une forte connotation sexuelle. Le film de Corinna Faith est indissociable de son interprète principale, Rose Williams, dont le physique de poupée contraste avec les accès de furie qui s’emparent d’elle lorsqu’elle est en prie à la possession. Mais n’en révélons pas davantage. Ce film est de ceux qui se savourent en nous offrant très précisément ce que nous étions venus y chercher : une angoisse crescendo mise en scène avec virtuosité par une réalisatrice impliquée qui ne perd pas son temps en digressions inutiles. Les amateurs de frissons apprécieront…

Jean-Philippe Guerand



Rose Williams

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