Ras vkhedavt, rodesac cas vukurebt ? Film géorgo-allemand d’Aleksandre Koberidze (2021), avec Giorgi Bochorishvili, Ani Karseladze, Vakhtang Panchulidze, Giorgi Ambroladze, Oliko Barbakadze… 2h31. Sortie le 23 février 2022.
Ani Karseladze
Sans doute règne-t-il en Géorgie un heureux micro-climat qui prête à la poésie la plus lunaire. Sergueï Paradjanov et Otar Iosseliani en ont témoigné par le passé. Le jour où Lisa et Giorgi se bousculent à deux reprises successives au centre d’un carrefour, c’est leur avenir qui s’ébauche. Une caméra de surveillance, une gouttière rouillée et un buisson ont aussi été témoins de leur coup de foudre à des titres divers. Aleksandre Koberidze, dont ce deuxième long métrage de fiction est aussi le premier film distribué en France, revisite les codes de l’amour et la carte du Tendre sans se préoccuper de garder les pieds sur terre (l’affiche l’illustre à merveille !), en démontrant que les amoureux sont loin d’être seuls au monde lorsque leur entourage entreprend de veiller sur eux. Quitte à donner un petit coup de pouce au destin et à sacrifier une finale de Coupe du monde fictive remportée par l’équipe fétiche de Giorgi : l’Argentine de Lionel Messi dont les gamins se peignent le nom et le numéro à même la peau. Reste toutefois entre-temps aux tourtereaux à se retrouver, ce qui ne sera pas une mince affaire. Mais n’est-ce pas là le lot des plus ardentes romances ?
Ani Karseladze et Giorgi Bochorishvili
Prix de la critique internationale à la Berlinale 2021, Sous le ciel de Koutaïssi est une comédie sentimentale facétieuse et burlesque où tout semble possible, y compris que le spectateur soit prié de fermer puis de rouvrir les yeux à la demande… du film lui-même. À l’intrigue principale viendra s’en superposer une autre qui voit une équipe de tournage réunir des couples du cru pour les immortaliser. Servie par un sens remarquable du cadre et du hors-champ que magnifie une lumière raffinée, cette romance absurde réussit la prouesse de tenir sur une durée généralement peu compatible avec le tempo de la comédie, ici alangui jusqu’à deux heures et demie. Ces jeux de l’amour et du hasard racontés en voix off distillent un charme tout simplement délicieux qui nous soulage de la sauvagerie du monde environnant. Avec des incursions saugrenues dans le monde de la comédie musicale ou du mélo le plus sirupeux. Mais à l’image de ses protagonistes qui n’ont pas toujours besoin de se parler pour se comprendre, Aleksandre Koberidze revient à la substantifique moelle du cinéma : non pas le muet, mais le sonore, cet art délicat qui avait compris qu’une image valait mille mots et que d’un bruit placé à bon escient pouvait parfois naître une émotion indicible. C’est tout l’enjeu de ce film aussi touchant que narquois de réussir à nous entraîner dans un monde à nul autre pareil.
Jean-Philippe Guerand
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