Film américain de Sean Baker (2021), avec Simon Rex, Bree Elrod, Ethan Darbone, Suzanna Son, Judy Hill, Brenda Deiss, Vickie Pearce, Bashir Abboud, Kevin Cavanaugh… 2h08. Sortie le 2 février 2022.
Un acteur de films porno de retour dans son Texas natal la queue entre les jambes (et ce n’est pas qu’un bon mot !) peine à y retrouver ses repères, tant tout a changé depuis son départ. Il renoue avec une ancienne conquête auprès de laquelle il tient son rôle d’étalon entre deux randonnées à vélo pectoraux à l’air pour garder la forme et s’adonne à des trafics minables afin de gagner de quoi vivre en se soumettant aux humiliations d’une dealeuse locale qui règne sur un gang familial de machos à la gomme. Jusqu’au moment où il succombe au charme d’une serveuse de diner effrontée dont il pourrait être le père et avec laquelle il se verrait bien passer le reste de son existence pour effacer ses échecs. Chassez le naturel… il revient toutefois au galop. Révélé par Tangerine (2015) et The Florida Project (2017), Sean Baker poursuit sa chronique de l’Amérique déclassée avec ce Red Rocket qui est déjà son septième long métrage en vingt ans. Avec son fidèle complice Chris Bergoch au scénario, il y dépeint une province dévastée par la misère sociale qui incarne l’envers le moins glorieux du rêve américain. Une sorte de No Man’s Land régi par le No Future dont les habitants survivent davantage qu’ils ne vivent véritablement dans les décombres d’une société de consommation où l’esclavage se perpétue en usine.
Bree Elrod et Simon Rex
Red Rocket est une chronique féroce des illusions perdues d’un séducteur sur le retour qui refuse de vieillir, mais ne reconnaît plus rien du monde qui l’entoure, pour s’être trop longtemps réfugié dans l’univers artificiel du cinéma porno. Il suffit de le voir chevaucher sa partenaire avec professionnalisme pour comprendre qu’il dissocie le sexe des sentiments et ne semble plus beaucoup avoir d’états d’âme. Sauf quand il se met en devoir de séduire une gamine dont il pourrait être le père et à qui il ne dit rien de son passé sulfureux. Sinon que l’oie blanche est intriguée à l’idée de jouir dans les bras d’un véritable professionnel… Moins engagé socialement que dans ses opus précédents, Sean Baker filme la zone avec un grand talent et l’échec avec une sorte de génie. Chez lui, les minables connaissent une sorte de transcendance cinématographique dans un lieu où le temps semble s’être figé. Son diner est perpétuellement vide, les principaux consommateurs de drogue travaillent en usine et la patronne du réseau de deal est en chimio. Rien ne va plus dans cette Amérique fantôme qui s’accroche comme à une bouée crevée à sa mythologie en déliquescence dont les héros sont épuisés. On peut s’en apitoyer, mais il est recommandé de s’en amuser.
Jean-Philippe Guerand
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