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“Les voisins de mes voisins sont mes voisins” d’Anne-Laure Daffis et Léo Marchand




Film d’animation français d’Anne-Laure Daffis et Léo Marchand (2021), avec (voix) Arielle Dombasle, Valérie Mairesse, Élise Larnicol, Rosaria da Silva, François Morel, Olivier Saladin, Cyril Couton, Didier Gustin… 1h33. Sortie le 2 février 2022.





Voici un film d’animation qui ne ressemble vraiment à aucun autre, mais joue de toutes les composantes du genre pour mieux les dynamiter. À commencer par ses personnages qui fleurent bon l’irrationnalité. À l’instar de cette femme amputée par un magicien maladroit de ses jambes, lesquels se mettent en ménage avec un vieux monsieur libidineux. Il y a aussi un ogre privé de ses dents, alors qu’il se voit confier la mission de ses rêves : baby-sitter ; malheureusement, l’open bar est fermé. Tout ce beau monde habite dans un immeuble où il s’en passe de belles ! Les voisins de mes voisins sont mes voisins aurait sans doute ravi les surréalistes par sa folie pas toujours douce et les membres de l’Oulipo par ses partis pris radicaux. Le principe de départ n’est d’ailleurs pas sans évoquer celui de “La vie mode d’emploi” de Georges Pérec qui consiste en l’épuisement d’un lieu. Ce procédé donne lieu ici à un télescopage ininterrompu de coqs à l’âne qui nécessite un delirium pas très mince pour être apprécié comme il le mérite. Mais ce miracle n’existe que parce qu’il a pu voir le jour dans un contexte de liberté absolue à tous les niveaux. Aussi bien sur le fond que sur la forme…





Bien qu’ils aient suivi l’enseignement d’une faculté d’arts plastiques, Anne-Laure Daffis et Léo Marchand ont tourné le dos à un avenir de peintres d’expositions tout tracé pour aborder le cinéma comme un support à leurs délires, sans pour autant se limiter à l’animation traditionnelle. Leur premier long métrage témoigne de cet état d’esprit en procédant à des sortes de collages graphiques dont les fonds se caractérisent par leur réalisme photographique. De même, sous la houlette du producteur atypique Lardux Films qui les accompagne depuis leurs débuts, ils brassent les influences les plus variées et se permettent tous les culots. Comme de demander à l’imitateur Didier Gustin de ressusciter Michel Serrault afin de doubler un personnage nommé Demy qui est lui-même un hommage au réalisateur des Parapluies de Cherbourg, au même titre qu’on y croise un magicien inspiré du personnage incarné par Roberto Benigni dans Down by Law. Avec Lady Di en guest-star. Ce film est fou et il l’assume du début à la fin en s’en remettant à des voix de doublage particulièrement prégnantes, d’Arielle Dombasle en précieuse ridicule aux Deschiens François Morel en ogre affublé d’un accent belge et Olivier Saladin en…  chien ! Difficile de résister à cette tornade qui emporte tout sur son passage et s’offre tous les culots dans une atmosphère de franche hilarité. Enfin un film d’animation qui s’adresse vraiment à tout le monde, sans avoir à passer par des concessions castratrices aux uns ou aux autres.

Jean-Philippe Guerand





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