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“Les affluents” de Jessé Miceli



Coalesce Film cambodgo-français de Jessé Miceli (2021), avec Songsa Sek, Phearum Eang, Rithy Rom, Lek Vann, Nicól Bear, Alexandre Barthélémy, Douglas Shakels… 1h22. Sortie le 16 février 2022.






Présenté l’an dernier au festival Visions du réel, le premier long métrage de Jessé Miceli cultive à dessein sa double appartenance au documentaire et à la fiction. Une sorte de métissage formel qui consiste à s’emparer d’un sujet (ici la jeunesse cambodgienne) et de l’organiser avec la rigueur d’une œuvre dramatique, de façon à entretenir une ambiguïté délibérée. Les affluents s’attache ainsi à trois garçons d’aujourd’hui qui portent les aspirations de leur génération, mais aussi des quêtes identitaires fortes qui passent par leur sexualité et même la notion de genre, dans un pays en pleine ébullition où le traumatisme infligé par la dictature des Khmers rouges appartient à un passé déjà lointain dont le déjà vétéran Rithy Panh assume le devoir de mémoire. Le pays foisonnant que filme José Micelli est une nation en ébullition permanente où les tours poussent comme des champignons sans pour autant faire vraiment d’ombre au reste d’un territoire qui reste encore majoritairement rural et attaché à ses racines ancestrales, aussi durement aient-elles pu être menacées d’anéantissement il y a seulement une quarantaine d’années par le régime de Pol Pot et ses sbires.






Jeune diplômé du département cinéma et audiovisuel de la Sorbonne nouvelle, Jessé Micelli porte sur ce monde un regard d’autant plus empreint de bienveillance, de fraîcheur et de curiosité qu’il l’aborde en étranger -même s’il se passionne pour ce pays depuis une dizaine d’années- et non de l’intérieur comme a pu le faire récemment sur le mode de la fiction Kavich Neang dans White Building. C’est à dessein qu’il s’attache à des garçons de son âge ou presque, confrontés aux promesses du troisième millénaire, en les montrant dans leur quotidien, bardés de leurs rêves et de beaucoup d’espoir. Il émane de ce portrait de groupe une force de vie étonnante baignée d’une lumière artificielle qui fait de Pnomh Penh une ville qui ne se couche jamais, dans un saisissant contraste existentiel avec une campagne encore accrochée à ses traditions qui reste un refuge pour les aînés. Précisons que le film a été réalisé au cours de l’hiver 2019-2020, c’est-à-dire juste avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19.

Jean-Philippe Guerand








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