Documentaire français de Jean-Pierre Pozzi (2021), avec Mathieu Sapin, Julien Dray, Philippe Moreau-Chevrolet, Gérard Colé, Laure Adler… 1h25. Sortie le 9 février 2022.
Mathieu Sapin et Julien Dray
D’un côté, l’auteur de BD Mathieu Sapin qui a suivi François Hollande à l’Élysée pour en tirer un album et aime à se définir comme un reporter. De l’autre, l’éminence grise qui va le guider dans les coulisses du Parti Socialiste, Julien Dray surnommé “le Baron noir” pour sa connaissance des arcanes du PS. Le premier va à la rencontre des caciques, tandis que le second lui confie ses états d’âme et tente de comprendre comment le parti de Jean Jaurès, Léon Blum et François Mitterrand a pu tomber si bas. L’investigation est passionnante, le constat sans appel. À tout juste deux mois du premier tour des élections présidentielles et de la faillite annoncée de ses dernières illusions, le Parti socialiste est décrit ici dans sa vérité la plus cruelle par des militants qui s’estiment trahis, mais aussi des compagnons de longue date qui tentent d’établir un diagnostic étayé. La disparition ? justifie son point d’interrogation par les avis autorisés qui s’y expriment. Mathieu Sapin joue les naïfs avec conviction face à un Julien Dray pédagogue qui a assez longtemps tiré les ficelles du parti et joué les hommes de l’ombre pour en identifier les dysfonctionnements.
Julien Dray
La principale qualité de ce documentaire en forme d’autocritique réside dans son absence totale de complaisance. Il évoque l’accumulation suicidaire de dérapages et d’aveuglements qui a conduit le PS à quitter son siège emblématique de la rue de Solférino et à licencier une partie de ses employés à la suite du naufrage électoral historique de 2017. Mais comment donc en est-on arrivé là ? Telle est la question récurrente de ce constat implacable dans lequel intervient notamment Gérard Colé, personnage sulfureux et narquois surnommé par Erik Orsenna “Tout en daim” qui fut le conseiller de François Mitterrand de 1983 à 1989, après avoir imaginé avec Jacques Pilhan son slogan gagnant, “La force tranquille”. Malgré sa fâcheuse allure de faire-part de décès, et en dépit de la sincérité incontestable de ses intervenants qui se penchent avec une tendresse sincère sur ce cadavre à la renverse, La disparition ? est un film nécessaire pour comprendre l’enchaînement qui a conduit un grand parti à s’effacer de la carte politique. Il s’agit par ailleurs d’un exercice analytique passionnant et souvent plein d’humour qui esquisse les contours d’un aggiornamento devenu une question de vie ou de mort pour un peuple de gauche devenu orphelin de ses illusions.
Jean-Philippe Guerand
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