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“Ils sont vivants” de Jérémie Elkaïm




Film français de Jérémie Elkaïm (2020), avec Marina Foïs, Seear Kohi, Laetitia Dosch, Igor van Dessel, Antoine Chappey, Geneviève Mnich, Jan Hammenecker, Benoît Carré, Souleymane Sylla, Lucie Borleteau, Rami Farah… 1h52. Sortie le 23 février 2022.



Seear Kohi et Marina Foïs



Veuve depuis peu, une auxiliaire de vie en maison de retraite découvre un jour la réalité d’un camp de migrants installé non loin de chez elle et se prend de sympathie pour deux d’entre eux, tout en proposant ses services en tant que bénévole, au grand dam de son entourage qui vit mal cette proximité forcée avec des étrangers en transit qui n’attendent qu’une occasion pour traverser la Manche. Connu jusqu’alors comme comédien et coscénariste de La guerre est déclarée () de Valérie Donzelli, Jérémie Elkaïm signe avec Ils sont vivants un premier film ambitieux qui entend traiter d’un problème de société abordé le plus souvent jusqu’ici sous un angle documentaire. Son pari consiste au contraire à introduire de l’affect dans ce contexte pour souligner sa complexité et ses paradoxes. Il choisit pour personnage principal une femme bousculée dans sa routine par une situation qu’elle a toujours feint d’ignorer au même titre que ses voisins. Comme pour ne pas se laisser distraire de sa routine par cette misère qui a élu domicile à quelques kilomètres de chez elle, mais dont les seuls échos lui parviennent par les actualités télévisées voire des faits divers rapportés dans la presse locale. Pour vivre heureux, vivons cachés…



Marina Foïs et Seear Kohi



Jérémie Elkaïm aborde deux sujets en un. Le premier traite de l’indifférence des Occidentaux face à la misère du monde lorsqu’elle vient s’installer à ses portes et aiguise la xénophobie et le repli sur soi, non pas des repus, mais d’une population confrontée à la misère sociale au quotidien. Le second s’attache à l’itinéraire personnel de cette femme libérée de ses chaînes matrimoniales qu’on devine douloureuses et succombe à une attirance qui la dépasse pour un migrant avec lequel sa communication est avant tout charnelle, dans la mesure où elle se heurte à la barrière du langage. C’est ce mélange des genres qui confère au film sa singularité, en se plaçant à un niveau sentimental, mais nuit paradoxalement à son unité, en s’égarant parfois dans des chemins de traverse, notamment à travers le personnage de Laetitia Dosch qui vampirise le film le temps de quelques scènes, avant de disparaître comme elle est venue. Jérémie Elkaïm a toutefois le mérite d’aborder un problème délicat, en s’efforçant de lui donner la résonance la plus vaste possible pour le grand public, ne serait-ce que grâce à la présence de Marina Foïs dans un rôle à facettes qui reflète les injonctions paradoxales d’un sujet qui méritait une approche grand public, comme s’en empara naguère Philippe Lioret avec Welcome (2009) dans un contexte assez différent.

Jean-Philippe Guerand



Seear Kohi et Marina Foïs


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