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“Golda Maria” de Patrick et Hugo Sobelman




Documentaire français de Patrick et Hugo Sobelman (2020), avec Golda Maria Tondovska 1h55. Sortie le 9 février 2022.





Si le mot mémoriel a un sens, voici un film qui l’illustre magistralement. Tout commence en 1994 lorsque Patrick Sobelman entreprend de recueillir le témoignage de sa grand-mère Golda Maria Tondovska, née en 1910 en Pologne, une femme qui a partagé le martyre de beaucoup de juifs qui ont fui l’Est de l’Europe et dont le témoignage lui semble inestimable alors que cette génération commence à s’éteindre inexorablement. Et puis, les années ont passé… Jusqu’au moment où le producteur de Lucas Belvaux, Solveig Anspach et tant d’autres auteurs s’est avisé de visionner ces images devenues historiques et que son fils Hugo a entrepris de les monter, en opérant là symboliquement son premier acte de cinéaste, suivi depuis par un autre film, ô combien plus léger, sorti il y a quelques mois, Soul Kids. Le résultat est un voyage bouleversant dans un enfer dont il ne subsiste que de très rares images, le comble du Troisième Reich ayant consisté à effacer les traces de ses crimes dans l’espoir que certains puissent en arriver à mettre en doute leur existence même. C’est précisément la force de Golda Maria de s’opposer à l’oubli avec la seule puissance des mots que prononce cette vieille dame capable de basculer du rire aux larmes d’une phrase à l’autre.






Golda Maria est un film nécessaire et bouleversant que tout le monde devrait voir pour savoir. C’est un voyage dans une époque troublée où la montée des fascismes a jeté sur les chemins de l’exil des morts en sursis dont certains ont ensuite été raflés dans les pays où ils avaient cru pouvoir se réfugier pour vivre en paix. Patrick et Hugo Sobelman procèdent à une démarche voisine de celle entreprise par Steven Spielberg en fondant en 1994 le Shoah Foundation Institute for Visual History and Education avec l’objectif de dépêcher des équipes de tournage à travers le monde pour recueillir les témoignages des survivants de la Shoah, à l’usage des générations futures et de ceux qui seraient tentés d’oublier cette barbarie inhumaine. La voix de Golda Maria, qu’elle soit ferme et assurée ou vienne à se briser par moments, est de celle qui subsistent longtemps dans notre mémoire, comme une lanceuse d’alerte surgie du passé qui veillerait à nous empêcher d’oublier. C’est tout l’esprit de ce film indispensable qui ne s’embarrasse d’aucune fioriture inutile et tire sa nécessité fondamentale de sa simplicité même. Un rempart implacable contre les marchands du temple révisionnistes auxquels Eric Zemmour donne aujourd'hui des ailes…

Jean-Philippe Guerand







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