Aos nossos filhos Film brésilien de Maria de Medeiros (2019), avec Marieto Severo, Laura Castro, José de Abreu, Marta Nobrega, Andrei Cardoso, Cláudio Lins, Antonio Pitanga, Denise Crispin… 1h47. Sortie le 23 février 2022.
Laura Castro, Marieto Severo et Marta Nobrega
Actrice du cinéma d’auteur européen parvenue à un rayonnement international grâce à Pulp Fiction de Quentin Tarantino, la comédienne portugaise Maria de Medeiros s’est alors tournée vers la réalisation, en passant du documentaire à la fiction. Avec À nos enfants, c’est sous bannière brésilienne qu’elle s’attache à la directrice dévouée d’un orphelinat pour enfants séropositifs des favelas qui renoue avec sa propre fille, elle-même en couple avec une femme et en quête de maternité par PMA. Deux générations qui reflètent les paradoxes d’une société brésilienne contrastée et incarnent l’évolution de la condition féminine en l’espace de deux générations. C’est avec l’interprète de la fille, Laura Castro, par ailleurs à l’origine de la pièce qui a inspiré le film, que Maria de Medeiros (qui l’a jouée à la scène) a concocté ce scénario habile et jamais réducteur où affleure l’état des lieux d’un pays en ébullition. L’action se déroule sous la présidence de Lula, c’est-à-dire à une époque où le Brésil avait enfin trouvé son rang parmi les grandes puissances en mettant un terme à son statut d’éternel pays émergent. Or, c’est précisément ce regain de confiance éphémère qui favorise l’évolution des mœurs.
Marta Nobrega et Laura Castro
Dans le Brésil de Bolsonaro, À nos enfants (dont le tournage s’est achevé entre les deux tours des élections présidentielles de 2018 qui l’ont porté au pouvoir) prend l’allure d’une bouteille à la mer. Y affleurent des illusions perdues et des promesses interrompues que la perspective imminente de victoire du populiste a contribué à assombrir. En s’attachant à deux générations de femmes, ce film dessine les contours d’une société en passe de devenir pionnière dans bien des domaines sous l’effet de la transformation de la classe populaire en classe moyenne, remise aujourd’hui à sa place par une bourgeoisie cramponnée à ses préjugés. À travers les deux combattantes qu’elle confronte, Maria de Medeiros met aussi en évidence un changement de paradigme. L’enjeu de la lutte a évolué. Avec en filigrane ce cri du cœur qu’on peut considérer comme prémonitoire : rien n’est acquis et la société peut encore revenir à la situation préalable sous l’effet de l’obscurantisme. Comme le souligne justement son titre, À nos enfants est aussi un avertissement à prendre très au sérieux qui souligne combien la révolution des mœurs reste encore fragile dans l’un des plus grands pays du monde en proie à l’incertitude.
Jean-Philippe Guerand
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