Film franco-canado-italo-sénégalais de Robert Guédiguian (2020), avec Stéphane Bak, Alicia da Luz Gomes, Issaka Sawadogo, Saabo Balde, Ahmed Dramé, Diouc Koma, Bakary Diombera, Ben Sultan, Alassane Gueye… 2h09. Sortie le 5 janvier 2022.
Alicia da Luz Gomes et Stéphane Bak
À lire çà et là que Robert Guédiguian ne possèderait aucune légitimité pour filmer l’Afrique de 1962, sous prétexte qu’il est blanc et natif d’un ancien pays colonial, on se dit que le wokisme est en train de perpétrer des ravages particulièrement malfaisants sur les consciences dépourvues de culture. On n’ose songer à l’accueil qu’aurait réservé notre époque à des films tels que La victoire en chantant (1976) de Jean-Jacques Annaud ou Coup de torchon (1981) de Bertrand Tavernier, deux autres réalisateurs français de renom. Personne n’aurait osé non plus intenter un tel procès à Nicolas Bedos pour OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire qui prenait le parti d’en rire. Soyons sérieux ! Twist à Bamako se situe au Mali au lendemain de l’indépendance, en s’attachant au couple sulfureux formé par un jeune bourgeois ambitieux (impeccable Stéphane Bak) qui cherche à évangéliser ses compatriotes aux vertus du socialisme en s'inspirant de l'idéalisme du martyr congolais Patrice Lumumba, et une jeune femme bambara victime d’un mariage forcé (Alicia da Luz Gomes, une révélation). Union contre nature rejetée de part et d’autre par une population cramponnée à ses traditions. Avec comme unique perspective une hypothétique évolution des mentalités et en corollaire cette réflexion déterminée de Guédiguian : « Toute l’histoire et la culture du monde m’appartiennent, et je me dois de les utiliser. »
Ahmed Dramé, Stéphane Bak et Diouc Koma
Le Soudan français fraîchement décolonisé que dépeint Guédiguian voit les jeunes membres de son élite flirter sur des tubes français des yéyés et s’approprier les signes extérieurs de richesse les plus significatifs de son ex-colon, comme un ultime signe de soumission à l’influence française. Image saisissante qui est sans doute pour beaucoup dans cette polémique assimilable à une attaque de principe. Guédiguan et son coscénariste Gilles Taurand, avec lequel il avait déjà collaboré à deux autres reconstitutions historiques, l’adaptation du Promeneur du Champ de Mars (2005) de Georges-Marc Benamou et L'armée du crime (2009), n’ont rien inventé, aussi gênante puisse paraître cette image aux yeux de certains de nos contemporains en quête d’idoles à déboulonner. C’est justement ce paradoxe qui se situe au cœur du film et dépeint une Afrique qui a encore du mal à couper cette laisse qui ressemble à s’y méprendre à un cordon ombilical imposé. Toute la subtilité de Twist à Bamako réside dans ce paradoxe culturel qui impose aux indépendantistes une grille de lecture et d’affranchissement imprégnée de dogmes occidentaux, ces jeunes représentants de l’élite ayant été formés dans les universités de la France métropolitaine. Vérité qui peut déranger, certes, mais qui s’avère aussi incontestable, d’autant qu’elle a été inspirée au cinéaste par une l’exposition du photographe portraitiste malien Malick Sidibé organisée à la Fondation Cartier en 2017.
Jean-Philippe Guerand
Alicia da Luz Gomes, Stéphane Bak, Ahmed Dramé et Diouc Koma
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