Film américano-grec de Maggie Gyllenhaal (2020), avec Olivia Colman, Jessie Buckley, Dakota Johnson, Ed Harris, Peter Sarsgaard, Dagmara Dominczyk, Paul Mescal, Jack Farthing, Oliver Jackson-Cohen, Panos Koronis, Alma Rohrwacher… 2h02. Mise en ligne le 31 décembre 2021 sur Netflix.
Olivia Colman
Actrice subtile réputée pour ses compositions les plus extrêmes (personne n’a oublié son interprétation dans La secrétaire), Maggie Gyllenhaal ne s’est pas toujours vu proposer des rôles dignes de son talent ni de son goût du risque. Sans doute parce que le cinéma américain est trop puritain pour une nature aussi volcanique que la sienne. Du coup, un autre Gyllenhaal en est venu à la supplanter en termes de notoriété : son frère cadet Jake, dont elle incarnait précisément la sœur dans le film culte Donnie Darko (2001) de Richard Kelly. Elle passe aujourd’hui à la réalisation avec un drame tortueux qui lui ressemble, The Lost Daughter, Prix du scénario à Venise inspiré du roman d’Elena Ferrante “Poupée volée”. Le personnage principal en est une enseignante de philosophie en villégiature solitaire en Grèce qui croise sur la plage une famille américaine dont la joie de vivre semble la révulser. Quand elle retrouve une gamine de la tribu qui s’est égarée, elle lui dérobe sa poupée préférée et la cache dans sa résidence de location, pour des motifs qui la renvoient à un traumatisme ancien jamais cicatrisé…
Olivia Colman et Dakota Johnson
The Lost Daughter est indissociable de son interprète principale, Olivia Colman, actrice tout-terrain au physique ingrat oscarisée en 2019 pour La favorite qui semble décidément préposée aux rôles les plus périlleux de son époque, de la reine Elizabeth II de la série “The Crown” (saisons 3 et 4) à la fille dévouée d’Anthony Hopkins dans The Father de Florian Zeller. Difficile de ne pas songer à Bette Davis quand on la découvre dans cet emploi où on la prend d’abord pour une vieille fille aigrie. Excellente initiative de la réalisatrice qui confie son rôle jeune à une autre interprète, en l’occurrence la ravissante Jessie Buckley qui hérite du peu d’années heureuses de son existence, quand elle trompait le père de ses filles avec un brillant universitaire, qu’incarne symboliquement le propre mari de la réalisatrice, Peter Sarsgaard. Une façon comme une autre de souligner le fait que c’est l’absence d’amour qui a flétri cette femme broyée par son échec sentimental, en la transformant en une créature aigrie dont la vie entière aura été foudroyée par un bonheur fugace dont elle semble condamnée à acquitter la facture jusqu’à la fin de ses jours, sans que la moindre compassion puisse atténuer sa détresse muette. Un rôle incroyable dont Olivia Colman se délecte avec une détermination impressionnante, sans jamais prêter le flanc à la moindre pitié. Du grand art !
Jean-Philippe Guerand
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