Film français de Nessim Chikhaoui (2021), avec Shaïn Boumedine, Julie Depardieu, Philippe Rebbot, Nailia Harzoune, Moussa Mansaly, Aloïse Sauvage, Lucie Charles-Alfred, Elyes Aguis, Inès Benamara, Max Fidèle… 1h51. Sortie le 12 janvier 2022.
Elias, jeune étudiant de banlieue, se présente à l’épreuve écrite du concours d’entrée à Sciences Po, véritable aboutissement de ses efforts pour échapper à la fameuse malédiction qui plane sur les cités en bloquant l’ascenseur social. Las, il a oublié ses papiers d’identité et doit rebrousser chemin, sans toutefois pouvoir l’avouer à sa famille qui se fait une fête de son inégration. Avec comme nouvelle perspective des mois à attendre avant de se présenter à la session de rattrapage et décrocher enfin le Saint Graal qui lui permettra d’accéder à une place honorable dans la société. Une opportunité qu’il va saisir en acceptant un petit boulot d’éducateur remplaçant dans une maison qui recueille des adolescents placés là pour échapper à une carence éducative ou à un environnement toxique. Au contact de ces jeunes et de ses collègues plus ou moins expérimentés, mais toujours animés d’un engagement qui déborde sur leur intimité, Elias va trouver un nouveau sens inattendu à sa vie, loin de son ambition initiale…
Philippe Rebbot, Nailia Harzoune et Shaïn Boumedine
De cette thématique vertueuse et édifiante, Nessim Chikhaoui (connu comme coscénariste des trois derniers opus des Tuche) tire un film généreux qui repose pour une bonne part sur l'humanité de ses caractères, enrichie par des interprètes d’une justesse saisissante, qu’ils soient connus comme Julie Depardieu, Philippe Rebbot et Shaïn Boumedine (révélé dans Mektoub My Love d’Abdellatif Kechiche) ou à leur juste place, qu’il s’agisse de Nailia Harzoune, Moussa Mansaly ou Aloïse Sauvage, mais ils sont tous dignes d’éloges. Le réalisateur évite toutefois de sombrer dans le prêchi-prêcha au profit d’une étude de mœurs plutôt pertinente qui évite les travers démonstratifs du mélo. Face à ces jeunes le plus souvent sans famille, il met en scène une équipe pédagogique animée de bonnes intentions qui doit toutefois concilier ses efforts avec une absence de moyens chronique et une impuissance décourageante de leur autorité de tutelle. L’habileté du scénario de Placés réside dans sa capacité à passer en revue l’ensemble des problématiques liées à son sujet, sans jamais dériver vers la complaisance ni le misérabilisme.
Nailia Harzoune et Shaïn Boumedine
À travers cette vaste confrontation humaine, affleurent des problèmes qui vont bien au-delà des clivages traditionnels, certains de ces adultes encadrants n’apparaissant guère mieux lotis que les gamins dont ils assument la responsabilité avec un dévouement sans limites. Ce Feel Good Movie enchâssé dans un contexte social solidement documenté réussit toutefois à distiller de véritables touches d’espoir au sein d’un univers plutôt sombre qui ne repose que sur un engagement individuel sans limites destiné à donner une valeur ajoutée au collectif. Nessim Chikhaoui revendique d’ailleurs lui-même le double parrainage de Nos jours heureux (2006) du tandem Toledano-Nakache, pour sa convivialité, et de Polisse (2011) de Maïwenn, pour son réalisme. Ni franchement accusateur ni abusivement complaisant, ce film débordant de grands sentiments s’inscrit dans une longue tradition cinématographique qui va de L’école buissonnière (1949) de Jean-Paul Le Chanois, pour son sens du collectif, aux Cœurs verts (1966) d’Edouard Luntz, pour sa vision de la jeunesse déshéritée, avec en filigrane cette solidarité à toute épreuve qui produit parfois des miracles et évite à certains de s’égarer sur la voie de la perdition en donnant une véritable valeur ajoutée à l’existence parfois difficile de ceux qui les encadrent.
Jean-Philippe Guerand
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