Film américain de Guillermo del Toro (2021), avec Bradley Cooper, Cate Blanchett, Toni Collette, Willem Dafoe, Richard Jenkins, Rooney Mara, Ron Perlman, Mary Steenburgen, David Strathairn, Mark Povinelli, Peter MacNeill, Tim Blake Nelson… 2h20. Sortie le 19 janvier 2022.
Willem Dafoe
Cinéphile avant de devenir cinéaste, le réalisateur mexicain Guillermo del Toro a démontré sa virtuosité en passant d’un pays à l’autre et en alternant des pépites du cinéma de genre avec des films plus engagés, notamment autour du thème de la Guerre d’Espagne voire en se livrant à des hybridations aussi audacieuses que L’échine du diable (2001) et surtout Le labyrinthe de Pan (2006). Auréolé par les quatre Oscars de son opus précédent, La forme de l’eau (2017), également couronné du Lion d’or à Venise, il délaisse les rivages du fantastique pour signer avec Nightmare Alley le plus imprévisible des hommages au film noir. Il s’y inspire d’un roman de William Lindsey Gresham (par ailleurs biographe d’Houdini) déjà porté à l’écran par Edmund Goulding dans Le charlatan (1947). Son personnage principal est un aventurier mystérieux qui échoue dans un cirque itinérant où une voyante l’initie à l’art du mentalisme. Il va peu à peu exercer ainsi son influence au grand dam du directeur, puis utiliser sa compétence pour duper des notables influents et fortunés. Une voie sans issue qui le mènera bien évidemment sur les sentiers de la perdition en séduisant plusieurs femmes au passage.
Cate Blanchett et Bradley Cooper
Nightmare Alley est une formidable reconstitution dans laquelle Guillermo el Toro déploie à la fois sa virtuosité coutumière, son inspiration visuelle hors du commun et une maîtrise absolue des moindres composantes techniques et artistiques du cinéma. Il trouve en Bradley Cooper le successeur idéal de Tyrone Power dans la version initiale et se régale à saupoudrer son film de petits cailloux blancs à l’usage des cinéphiles, de son clin d’œil entendu aux monstres de foire de Freaks (1932) au look de Cate Blanchett en référence à la fameuse coupe de cheveux immortalisée par Veronica Lake. Le toujours inquiétant Willem Dafoe, la trop mésestimée Toni Collette et l’envoûtante Rooney Mara, mais aussi Mary Steenburgen qu’on reconnaît toujours à sa voix, complètent la distribution de rêve de ce cauchemar visionnaire. Son échec injuste aux États-Unis semble toutefois attester du désintérêt du grand public pour une œuvre sophistiquée pourtant dotée a priori de solides arguments commerciaux. Autour de son berceau se sont en outre penchées quelques fées fidèles, du chef opérateur danois Dan Laustsen à la décoratrice Tamara Deverell et au costumier Luis Sequeira, canadiens tous les deux, ainsi que le compositeur virtuose Nathan Johnson, nouveau venu dans la galaxie del Toro. Pour toutes ces raisons, il serait particulièrement regrettable que les spectateurs français boudent à leur tour cette invitation au rêve concoctée par un réalisateur culte.
Jean-Philippe Guerand
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