Documentaire français de Thomas Paulot (2021), avec Laurent Papot, Ferdinand Flame, Milan Alfonsi… 1h50. Sortie le 26 janvier 2022.
À trois mois du second tour de l’élection présidentielle, le cinéma va nous parler politique sur à peu près tous les tons. Le premier de ces films navigue dans un no man’s land singulier entre documentaire et fiction. Conçu comme une mécanique de précision par le réalisateur Thomas Paulot et ses comparses Ferdinand Flame et Milan Alfonsi, Municipale se déroule début 2020 dans une bourgade des Ardennes où débarque un illustre inconnu qui va bousculer les règles établies en se déclarant candidat aux prochaines élections. Il ne cache pas sa véritable identité : il s’appelle Laurent Papot et est comédien. Son initiative a priori saugrenue n’est ni une provocation ni un acte poujadiste. Elle relève davantage de l’expérience sociologique et du happening politique. Perçu comme un doux dingue par certains, un vil opportuniste par d’autres, voire un postulant sérieux par les plus audacieux, le postulant interprète son rôle à la perfection. Sa démarche relève de la disruption la plus radicale. Elle entend mettre en évidence la fragilité de notre système électoral en perturbant ce rituel très encadré à travers l’irruption d’un intrus qui ne ment à aucun moment sur ses intentions. Et le stratagème fonctionne : les électeurs potentiels cessent rapidement de considérer l’outsider venu de nulle part comme un plaisantin.
Laurent Papot
Municipale est une expérience passionnante qui pourrait sans doute se dérouler à l’identique dans n’importe quelle bourgade française. L’irruption de ce trublion est celle d’un chien dans un jeu de quilles. Il s’agit aussi d’une expérience humaine passionnante cadrée par un véritable scénario qui puise son origine dans des manifestes politiques signés David Van Reybrouck, Murray Bookchin ou Hakim Bey. Face à ce Laurent Papot en trublion propulsé au cœur d’une région sinistrée par les délocalisations dévastatrices qui ont affecté l’industrie de la sidérurgie, la population se défend avec d’authentiques réflexes de survie. L’intrus connaît son rôle mais doit réagir aux réactions spontanées qu’il suscite : curiosité, sympathie, méfiance, rejet… Avec à la clé une réflexion pénétrante sur la relativité de l’engagement civique, la sincérité de ceux qui aspirent à des fonctions municipales et ce jeu de société que représente une campagne électorale avec ses porte-à-porte fastidieux, ses collages d'affiches, ses distributions de tracts et ses meetings obligés. Une radiographie saisissante à découvrir avant d’aller voter, tant elle nous révèle à nous-mêmes…
Jean-Philippe Guerand
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