Accéder au contenu principal

“Mes frères et moi” de Yohan Manca




Film français de Yohan Manca (2021), avec Maël Rouin Berrandou, Judith Chemla, Dali Benssalah, Sofiane Khammes, Moncef Farfar, Luc Schwarz, Olivier Loustau, Olga Milshtein… 1h48. Sortie le 5 janvier 2022.



Maël Rouin Berrandou



Tandis que leur mère en proie à un coma irréversible repose dans sa chambre, quatre frères vivent tant bien que mal cette épreuve en essayant de profiter de leur jeunesse. Condamné à un travail d’intérêt général qui consiste à repeindre un couloir de son collège, le plus jeune, Nour, 14 ans, assiste malgré lui au cours donné par une chanteuse lyrique et se découvre un don qui donnerait un véritable sens à sa vie si le contexte et son cadre familial ne rendaient cette perspective illusoire… On reconnaîtra là un thème souvent abordé par le cinéma : celui de la vocation qui se heurte à une barrière idéologique ou sociale dont Billy Elliot demeure l’exemple le plus fameux. Librement inspiré de la pièce de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre “Pourquoi mes frères et moi on est parti…”, à laquelle il a greffé bon nombre de références personnelles, le premier long métrage de Yohan Manca joue simultanément sur deux registres qui s’entrecroisent : celui de l’étude de mœurs où chacun des protagonistes affirme son caractère en suivant sa trajectoire personnelle et celui des liens qui les unissent dont on comprend assez vite qu’ils ne résisteront pas à la disparition inéluctable de leur mère, personnage hors-champ qui continue à exercer une influence considérable en concentrant toute leur attention.



Maël Rouin Berrandou et Judith Chemla



Yohan Manca excelle à filmer ces rapports familiaux virils à travers l’autorité naturelle de l’aîné ombrageux contraint d’assumer une autorité paternelle par procuration, que ce soit sur le benjamin confronté aux tourments habituels de l’adolescence ou sur ses cadets en quête d’indépendance, que ce soit le dragueur tendance gigolo ou le dealer à la merci des caïds. Il convient de louer ici la qualité du casting, avec une mention spéciale à Maël Rouin Berrandou, merveilleux de spontanéité et d’enthousiasme dans un rôle à facettes qui le conduit aux extrêmes, de l’insouciance à la tragédie, dans un quartier méridional écrasé de soleil où l’art délicat des vocalises tranche avec la routine des matches de football disputés sur le sable chaud. Avec l’immersion au cœur de cette fratrie dysfonctionnelle la chanteuse qu’incarne merveilleusement Judith Chemla dont on avait déjà pu mesurer le don pour le bel canto lors d’un “Ave Maria” mémorable interprété dans Notre-Dame-de-Paris convalescente, le jour du Vendredi saint confiné de 2020. Avec ce premier film sensible et universel, Yohan Manca s’impose en beauté comme un espoir solide et prometteur, fraternel et chaleureux.

Jean-Philippe Guerand







Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract