Koshtargah Film iranien d’Abbas Amini (2020), avec Amirhosein Fathi, Mani Haghighi, Baran Kosari, Hassan Pourshirazi, Hamed Alipour, Sepideh Mazaheri, Vahid Nafar, Shaker Mousavi… 1h42. Sortie le 5 janvier 2022.
Amirhosein Fathi
C’est dans le cadre du festival Reims Polar, dont un autre film iranien, La loi de Téhéran, a obtenu le Grand Prix, qu’a été dévoilé Marché noir, lui-même couronné du Prix du jury. Transfuge du documentaire, le réalisateur Abbas Amini y met en scène les pratiques clandestines engendrées par les sanctions économiques qu’ont infligé les États-Unis à son pays, à travers la mise en place de réseaux de spéculation sur le dollar dans les lieux les plus saugrenus. Son film prend ainsi pour cadre un abattoir reconverti en véritable bourse parallèle où les billets verts s’échangent à des taux parfois prohibitifs, en fonction de la bonne vieille loi de l’offre et de la demande. Sous les codes du polar traditionnel, affleure une critique acerbe qui dénonce l’hypocrisie d’un régime en lutte contre l’oppression économique qui lui est imposée, en faisant mine de fermer les yeux sur des pratiques illicites dont il devient en fait le premier bénéficiaire. Avec en guise de corollaire ironique la vénération du dieu dollar par une population aux abois dont les dirigeants stigmatisent le Grand Satan mais ferment les yeux sur ces pratiques très répandues qui leur épargnent par ailleurs bien des révoltes sinon une nouvelle révolution.
Amirhosein Fathi
Au sein d’un cinéma iranien dont les succès locaux ne nous parviennent qu’au compte-gouttes et dont nous ne voyons que les films d’auteur sélectionnés dans les festivals et le plus souvent initiés grâce à des coproducteurs étrangers en bravant les foudres de la censure (récemment encore Le diable n’existe pas de Mohammad Rasoulof, primé à la Berlinale 2020, et Un héros d’Asghar Farhadi, couronné au festival de Cannes 2021), Marché noir fait figure d’œuvre atypique par son double niveau de lecture. Le film fait mine de dénoncer les spéculateurs à travers une pratique qui concerne en premier lieu l’homme de la rue, mais souligne le malaise endémique qui frappe une économie en sursis. Marché noir perpétue en cela avec panache l’une des vocations récurrentes du film noir qui consiste à s’en remettre à des codes éprouvés pour dessiner en filigrane un portrait saisissant de la société auquel seul sans doute un documentaire aurait pu s’atteler, sans toutefois bénéficier des autorisations de tournage nécessaires, même si la miniaturisation des appareils de prise de vues autorise aujourd’hui toutes les audaces. Reste cet autre paradoxe qui consiste pour le régime iranien à autoriser la diffusion d’un tel film à l’étranger en espérant ainsi témoigner de la vivacité culturelle de son pays et donner l’illusion de sa magnanimité idéologique. Dont acte…
Jean-Philippe Guerand
Amirhosein Fathi
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