Little Palestine (Diary of a Siege) Film libano-franco-qatarien d’Abdallah Al-Khatib (2020) 1h29. Sortie le 12 janvier 2022.
Certaines situations échappent totalement à la vigilance des médias traditionnels, aussi puissants soient-ils. La profusion des réseaux sociaux et des moyens de communication n’empêche pourtant pas certains régimes de faire régner un silence assourdissant, de la Chine à l’Iran en passant par à peu près tous les champs de bataille de la planète. C’est là où le cinéma conserve toute sa puissance, comme ont pu en témoigner des documentaires à la première personne du singulier tels qu’Homeland : Irak année zéro (2015) d’Abbas Fahdel ou Pour Sama de Waad al-Kateab et Edward Watts, Œil d’or à Cannes en 2019. Little Palestine est un nouvel exemple de ces initiatives individuelles qui réussissent parfois à outrepasser ce silence imposé. Il s’attache à l’un des dégâts collatéraux les plus méconnus de la révolution syrienne : le siège de Yarmouk, le plus grand camp de réfugiés palestiniens du monde, situé dans les faubourgs de Damas et totalement coupé du reste du monde par le régime de Bachar Al-Assad.
Employé des programmes de développement et de soutien à la jeunesse de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, Abdallah Al-Khatib a décidé de prendre une caméra pour témoigner à chaud de ce supplice collectif en filmant au jour le jour l’agonie de sa communauté privée de tout et condamnée à la famine sinon à une mort inéluctable. Une fois réfugié en Allemagne, il a entrepris d’assembler ces images. Pour mémoire. Little Palestine est ainsi un document inestimable qui entend combler une lacune de notre mémoire collective récente, y compris un embryon de révolte avortée. Avec l’insouciance des enfants qui tentent de continuer à grandir et ces charrettes chargées de cadavres qui traversent l’écran et auxquelles on finit par ne plus prêter attention. Tout l’intérêt de ce tribut mémoriel est de nous montrer ce qu’un dictateur sanguinaire impuni a cru pouvoir dissimuler aux yeux du monde. On imagine l’impact qu’aurait pu avoir un tel document s’il avait pu témoigner de la vie quotidienne dans les camps d’extermination de la Seconde Guerre mondiale. C’est tout l’honneur de ce film que de déborder des limites du cinéma traditionnel pour agir comme un éveil des consciences.
Jean-Philippe Guerand
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