Film français de Thomas Kruithof (2021), avec Isabelle Huppert, Reda Kateb, Naidra Ayadi, Jean-Paul Bordes, Laurent Poitrenaux, Soufiane Guerrab, Hervé Pierre, Walid Afkir, Stefan Crepon, Vincent Garanger, Anne Loiret… 1h38. Sortie le 26 janvier 2022.
Isabelle Huppert
À chaque nouveau rôle, on se prend à penser qu’Isabelle Huppert a déjà tout joué, souvent même à plusieurs reprises et sur de multiples registres. Les promesses lui offre toutefois un emploi encore inédit : celui d’une femme maire qui organise sa succession à l’approche des prochaines élections municipales, en passant le relais à son adjoint, tout en essayant de sauver une cité en proie à des marchands de sommeil. L’affaire se déroule dans une banlieue populaire où tout semble réglé comme du papier à musique et où chacun paraît remplir sa fonction en vertu d’un plan de campagne préétabli. Et puis tout bascule et ce bel équilibre vole en éclats. Après La mécanique de l’ombre (2016), un premier film qui plongeait dans les arcanes de l’espionnage, Thomas Kruithof s’attache aux dessous d’un certain clientélisme garant de paix sociale tel qu’il s’exprime au quotidien. Il ancre pour cela son film en plein cœur de ce fameux “neuf-trois” qui cristallise tous les enjeux politiques et sociaux d’une périphérie à géométrie variable où vient échouer toute la misère du monde. L’élue qu’incarne Isabelle Huppert reflète ces paradoxes et symbolise une bourgeoisie de gauche sincèrement éprise de justice sociale qui se heurte à l’effet de réalité saisissant d’une misère endémique.
Naidra Ayadi, Reda Kateb et Isabelle Huppert
L’actrice ne fait qu’une bouchée de son personnage et trouve en Reda Kateb le sparring-partner idéal : un technocrate issu de l’immigration qui connaît sa ville comme sa poche et n’hésite pas au besoin à faire appel à ses connexions personnelles pour résoudre des problèmes sociaux épineux. Kruithof et son coscénariste Jean-Baptiste Delafon, fin analyste des mœurs socialistes déjà à l’origine de la série “Baron noir”, vont bien au-delà des apparences et décryptent avec acuité les dessous de la politique locale, ses rituels et ses enjeux. Le constat est impitoyable et son habillage bien peu reluisant par les calculs cyniques sur lesquels il s’appuie. Il suffit bien souvent d’un mouron enragé pour voire le troupeau se disperser. Telle est la morale de ce film accablant qui brille par son refus des lieux communs et la qualité de sa distribution, avec une mention spéciale à ses seconds rôles, tous d’une justesse confondante, de Naidra Ayadi à Soufiane Guerrab (récemment en vedette de De bas étage), en passant par Jean-Paul Bordes, Laurent Poitrenaux, Hervé Pierre, Walid Afkir et Anne Loiret. À l’approche d’une échéance électorale majeure, Les promesses représente sans doute le remède le plus radical contre la tentation abstentionniste par son engagement profondément civique et un discours idéaliste affranchi de toute naïveté qui s’appuie sur un sens de l’observation acéré.
Jean-Philippe Guerand
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