Persischstunden Film russo-germano-biélorusse de Vadim Perelman (2019), avec Nahuel Perez Biscayart, Lars Eidinger, Jonas Nay, Leonie Benesch, Alexander Beyer, Luisa-Céline Gaffron, David Schütter, Peter Beck, Lola Bessis… 2h07. Sortie le 19 janvier 2022.
Nahuel Perez Biscayart
Déporté en Allemagne, le fils d’un rabbin hollandais arrêté dans une forêt de l’Est de la France occupée avec d’autres juifs échappe miraculeusement à une mort annoncée et décide de se faire passer pour persan. Ce stratagème lui vaut d’enseigner le farsi (dont il ne connaît pas un mot !) à un capitaine SS désireux de se familiariser avec cette langue afin d’aller ouvrir un restaurant à Téhéran au lendemain de la guerre. Peu à peu s’établit une étrange complicité entre le maître et l’élève qui leur vaut autant d’hostilité que de suspicion de la part de leur entourage. C’est en s’inspirant d’une pièce radiophonique du dramaturge allemand Wolfgang Kohlhaase intitulée “Création d’une langue” que le réalisateur ukraino-américain Vadim Perelman a conçu ces Leçons persanes qui baignent dans l’ironie du désespoir, mais reposent aussi sur des caractères profondément humains confrontés à un contexte exceptionnel. Comme souvent, cette fiction métaphorique puise également son inspiration parmi des faits authentiques rapportés par des survivants de la Shoah dont elle tire une sorte de conte humaniste. Avec pour figure de proue ce personnage à facettes qu’incarne l’acteur argentin Nahuel Perez Biscayart, formidable sur le registre ô combien périlleux de l’ambiguïté.
Vadim Perelman excelle sur un registre délicat qu’on pourrait qualifier de tragique dérisoire, celui qui présidait déjà à un film comme Le choix de Sophie dont le contexte était assez proche. C’est dans le cadre le plus sombre qui soit, celui d’un camp de concentration de la Seconde Guerre mondiale, que le cinéaste inscrit ce je jeu de dupes désespéré. Il procède toutefois avec une grande délicatesse, en se gardant bien d’imposer l’intrigue de son film comme autre chose qu’une péripétie accidentelle de l’histoire, une sorte de lettre persane qui nous renvoie un reflet singulier de l’âme humaine confrontée à l’une des pires tragédies de l’histoire, mais aussi la confrontation de deux hommes de bonne volonté emportés dans une tornade dont ils ne sont que les fétus de paille dérisoires. Le film ne traite toutefois jamais cette intrigue de façon superficielle. Et si l’on venait à en douter, la séquence d’ouverture est là pour nous rappeler à la réalité d’un contexte dans lequel bon nombre de vivants n’étaient bien souvent que des morts en sursis, à l’instar de son personnage principal qui use d’un langage imaginaire pour manipuler son interlocuteur campé par l’impeccable Lars Eidinger. Sans que jamais la mise en scène rigoureuse ne cède elle aussi à cette tentation.
Jean-Philippe Guerand
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