Film belgo-luxembourgo-français de Stephan Streker (2020), avec Jérémie Renier, Alma Jodorowsky, Emmanuelle Bercot, Félix Maritaud, Zacharie Chasseriaud, Jeroen Perceval, Bruno Vanden Broecke, Peter van den Begin, Sam Louwyck… 1h45. Sortie le 26 janvier 2022.
Jérémie Renier
Un politicien ministrable voit sa carrière sérieusement compromise lorsque son épouse est retrouvée morte dans un hôtel d’Ostende où le couple séjournait en amoureux. Les preuves étant accablantes, non seulement il encourt une lourde peine sous l’accusation de violences conjugales, mais son avenir prometteur semble d’autant plus compromis qu’il ne se souvient de rien et va jusqu’à ignorer s’il est réellement coupable du crime dont on l’accuse. Remarqué avec son film précédent, Noces, déjà d’une grande subtilité, le réalisateur belge Stephan Streker s’essaie cette fois au cinéma de genre, en s’aventurant sur le terrain miné d’un sujet de société ô combien délicat : le féminicide. Il adopte pour cela le point de vue de son protagoniste en nous entraînant dans un véritable dédale où il tâtonne au risque de sa vie. C’est l’occasion pour Jérémie Renier d’une composition comme il en a le secret où il n’hésite jamais à se mettre en danger pour servir son rôle et le pousser jusqu’au bout de ses possibilités dramatiques, quitte à sortir d’une zone de confort qui n’a jamais guidé la moindre de ses compositions depuis ses débuts chez les frères Dardenne.
Alma Jodorowsky et Jérémie Renier
Le principe adopté par Stephan Streker consiste à laisser le spectateur se faire sa propre opinion en le mettant dans la tête de cet homme aux abois dont la raison est bouleversée par des apparences qui menacent de se transformer en évidences et de le faire basculer dans une culpabilité suicidaire, faute de preuves tangibles. Cet ennemi qu’évoque le titre n’est autre que lui-même. En l’occurrence, dans la réalité le leader écologiste Bernard Wesphael, accusé du meurtre de son épouse en 2013 et acquitté trois ans plus tard au bénéfice du doute. Une personnalité controversée devenue un bouc d’émissaire sous la pression de l’opinion publique, en tant que francophone incapable de comprendre le flamand. Le réalisateur a affirmé avoir identifié les paradoxes insoutenables de la Belgique à travers ce personnage hâbleur et influent qui se retrouve victime de fautes de traduction dans les rapports de police le concernant et menacé d’une erreur judiciaire. L’habileté du film est de s’attacher à la relativité de la vérité à l’épreuve des apparences et des préjugés dans ce qui constitue une affaire de morale, en nous interpellant tous en tant que telle.
Jean-Philippe Guerand
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