Film français d’Aurélia Georges (2021), avec Lyna Khoudri, Sabine Azéma, Maud Wyler, Laurent Poitrenaux, Didier Brice, Lise Lametrie, Olivier Broche, Judith Leder, Jacques Bachelier… 1h52. Sortie le 19 janvier 2022.
Lyna Khoudri et Sabine Azéma
Pendant la Première Guerre mondiale, Nélie, une infirmière auxiliaire d’origine modeste croise une jeune femme de passage qui part faire la connaissance de la famille de l’homme qu’elle devait épouser et qui est porté disparu au front. Un bombardement ayant laissé la promise pour morte, Nélie décide de s’approprier son identité afin d’échappe à sa condition et de s’assurer un avenir meilleur. Sur place, elle rencontre une veuve fortunée dont elle devient la lectrice et la confidente, malgré les réticences de son entourage… De ce sujet mélodramatique inspiré d’un roman anglais paru en 1874, mais opportunément transposé en France pendant la Première Guerre mondiale, “La morte vivante” de Wilkie Collins, un ami de Charles Dickens, Aurélia Georges et sa coscénariste Maud Ameline ont tiré un film qui assume pleinement son lyrisme et doit une bonne part de sa réussite à son interprétation féminine. Face à Lyna Khoudri qui s’impose film après film comme la grande actrice de sa génération, après Nathalie Baye dans Haute couture, c’est Sabine Azéma qui lui donne la réplique sur le registre d’une confiance quasi filiale, cette dernière retrouvant avec bonheur cette époque qui lui avait déjà si joliment réussi dans Un dimanche à la campagne (1984) de Bertrand Tavernier.
Sabine Azéma et Laurent Poitrenaux
La place d’une autre s’inscrit dans la grande tradition de ces films flamboyants tournés à Hollywood par Frank Borzage ou John Stahl et en France par Abel Gance ou Raymond Bernard dans l’Entre-Deux Guerres qui assumaient de susciter l’émotion en actionnant des mécanismes dramatiques éprouvés, en l’occurrence ici une usurpation d’identité, et des coups de théâtre radicaux. Aurélia Georges joue habilement de ces codes sans jamais bouder ce plaisir simple qui consiste pour un auteur à manipuler le lecteur ou comme ici le spectateur. Elle s’appuie pour cela sur des personnages féminins solidement campés et sur un scénario habile qui évite les pièges du manichéisme, en s’appuyant sur des performances dramatiques remarquables. Certes, la narration est d’un classicisme assumé, mais les acteurs sont loin de bouder leur plaisir et défendent chacun leurs rôles avec conviction, à commencer par Maud Wyler dans le rôle le plus ingrat de ce jeu de dupes rondement mené. C’est parce que la réalisatrice assume les conventions du mélodrame, volontiers méprisées par nos contemporains, qu’elle réussit un film aussi intègre qu’élégant qui s’interdit de tricher avec les grands sentiments et distille un plaisir ineffable. Comme ces livres que les gamins lisaient naguère en cachette sous les draps avant de se laisser envahir par de beaux rêves.
Jean-Philippe Guerand
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