Accéder au contenu principal

“Guest of Honour” d’Atom Egoyan




Film canadien d’Atom Egoyan (2019), avec David Thewlis, Laysla de Oliveira, Luke Wilson, Rossif Sutherland, Gage Munroe, Tennille Read, Sim Fisher, Tamara Podemski, Sochi Fried, Arsinée Khanjian, Joyce Rivera, Isabelle Franca… 1h45. Mis en ligne le 1er janvier 2022 sur OCS.



David Thewlis



Présenté à la Mostra de Venise à l’automne 2019, le dernier en date des films d’Atom Egoyan n’a réussi à se frayer un chemin jusqu'à nous qu’en VOD. C’est d’autant plus dommage que le réalisateur canadien y mouline ses obsessions habituelles à travers un récit habilement déconstruit qui part de l’entrevue qu’accorde un pasteur à une femme dont le père vient de mourir, afin de nourrir le sermon qu’il doit prononcer lors de son service funèbre, sans avoir véritablement connu le défunt. Celui-ci exerçait le métier ingrat de contrôleur sanitaire dans les restaurants et les commerces d’alimentation. Entre lui et sa fille a longtemps plané un malentendu basé sur sa proximité avec son enseignante de musique quand elle était enfant, au moment même où sa mère se savait condamnée par un mal incurable. Devenue elle-même cheffe d’orchestre, Veronica se retrouvera elle-même en prison à la suite d’une ténébreuse affaire de harcèlement sexuel dont elle s’est elle-même accusée sans qu’aucune enquête ne l’incrimine vraiment…



David Thewlis et Laysla de Oliveira



On comprendra en lisant ce qui précède combien Egoyan s’est appuyé sur un récit filandreux pour tisser sa toile scénaristique, avec comme repères un chauffeur d’autocar évoque le spectre de son adaptation magistrale du roman de Russell Banks De beaux lendemains (1997) et cette association de la filiation et des malentendus qui court à travers son œuvre toute entière depuis son premier long métrage, Next of Kin (1984). Guest of Honour ravira tous ceux qui affectionnent les artistes obsessionnels et leur pardonnent de se répéter parfois à l’infini. Le film est par ailleurs indissociable de son interprète principal, le britannique David Thewlis révélé naguère par Mike Leigh qui campe ici un homme incapable d’éprouver ses émotions autrement que dans l’exercice de son métier ingrat qui mobilise toute son énergie et lui inspire des ruses parfois tordues pour justifier son professionnalisme. Avec face à lui une révélation dans le rôle de sa fille qui met tout en œuvre pour le faire basculer du côté des vivants en agitant la corde sensible : Laysla de Oliveira, également en vedette du dernier opus de Vincenzo Natali inspiré d’une nouvelle de Stephen King : Dans les hautes herbes, visible sur Netflix. Tous les admirateurs d’Egoyan auront à cœur d’être au rendez-vous de cette mise en abyme qui ne pourra que leur apporter davantage de grain à moudre, avec son usage de certains symboles religieux comme ce lapin blanc échappé de chez Lewis Carroll et ce fil rouge qui continue à le relier à l’Arménie de ses ancêtres et offre un joli cameo à sa muse, Arsinée Khanjian.

Jean-Philippe Guerand




David Thewlis

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract