Bodeng sar Film cambodgo-franco-sino-quatarien de Neang Kavich (2020), avec Chhun Piseth, Soem Chinnaro, Sovann Tho, Jany Min, Hout Sithorn, Ok Sokha… 1h30. Sortie le 22 décembre 2021.
Chhun Piseth
Longtemps réduit à la personnalité écrasante de Rithy Panh, qui en constitue la mémoire vivante à travers une œuvre magistrale, le cinéma cambodgien a vu affluer depuis quelques années de jeunes talents souvent issus des multiples diasporas que la dictature des Khmers Rouges a essaimés à travers le monde. Il connaît désormais une poussée autochtone prometteuse dont Neang Kavich, 34 ans, est l’un des artisans les plus prometteurs. Après quatre courts métrages et deux documentaires, sa transition vers la fiction passe par un sujet aussi personnel qu’universel qui avait déjà inspiré son film précédent, Last Night I Saw You Smiling (2019), consacré aux derniers jours d’une barre d’immeuble endommagée abritant près de cinq cents familles de Phnom Penh (dont celle du réalisateur) et promise à la démolition. Un traumatisme qui a donné naissance à White Building et valu à son interprète principal, Piseth Chhun, un prix d’interprétation dans la section Orrizonti de la Mostra de Venise où le film a été présenté en 2021.
Chhun Piseth, Soem Chinnaro et Sovann Tho
White Building est un film sur la nostalgie baigné d’une indéniable mélancolie. A travers cet immeuble qui disparaît, ce sont les souvenirs de ses habitants qui s’évanouissent. La mémoire se trouve donc au cœur de ce film d’apprentissage où les circonstances vont pousser son personnage principal à basculer de l’insouciance de l’adolescence aux réalités de l’âge adulte. La démolition de ce bâtiment vétuste et réputé mal famé répond aussi à des contingences de spéculation immobilière qui incitent son réalisateur à donner chair à des protagonistes qui relèvent davantage de la fiction que de la réalité par leur détermination et leur engagement. Il définit d’ailleurs son personnage principal comme son « double inversé » et l’utilise pour exorciser ses propres démons et notamment l’inaction dont il se sent coupable, à l’instar d’une jeunesse cambodgienne trop passive sinon contemplative. Inconditionnel de Hou Hsiao-hsien et Apichatpong Weerasethakul, ce trentenaire orchestre son film en trois mouvements et pratique une utilisation du hors-champ qui le rapproche de son compatriote Davy Chou (Diamond Island), quant à lui issu de la diaspora française.
Jean-Philippe Guerand
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