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“Un héros” d’Asghar Farhadi




Ghahreman Film irano-français d’Asghar Farhadi (2021), avec Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Sahar Goldust, Fereshteh Sadre Orafaee, Ehsan Goodarzi, Sarina Farhadi, Maryam Shahdaei, Alireza Jahandideh… 2h07. Sortie le 15 décembre 2021.



Amir Jadidi



Le cinéma iranien est aujourd’hui une étrange nébuleuse dont les plus grands auteurs brillent hors les murs dans les festivals internationaux et bénéficient de l’appui précieux de producteurs étrangers, certains cinéastes frappés d’une interdiction de tournage défiant même les autorités en trouvant les subterfuges les plus sophistiqués pour déjouer les interdictions, à l’instar de Jafar Panahi ou Mohammad Rasoulof, respectivement Ours d’or à Berlin en 2015 pour Taxi Téhéran et 2020 pour Le diable n’existe pas. Lui-même couronné en 2011 pour Une séparation, Asghar Farhadi constitue un cas à part, dans la mesure où il continue à tourner en Iran, mais que ses films n’y sont diffusés que confidentiellement voire en toute illégalité comme ce fut le cas pour son incursion espagnole, Everybody Knows (2018), qu’il n’a d’ailleurs même pas soumis à la censure. Sur un registre voisin du Client, qui lui a valu son deuxième Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2017, Un héros a pour personnage principal un homme emprisonné pour n’avoir pas remboursé un prêt consenti par son ex-beau-frère qui profite d’une permission pour aller convaincre celui-ci de retirer sa plainte, moyennant un remboursement partiel rendu possible par la découverte d’une manne providentielle. Mais ses scrupules vont en décider autrement…



Amir Jadidi



Le scénario imaginé par le réalisateur et son frère (non crédité au générique) repose sur une logique implacable et un nouveau phénomène répandu en Iran où un quidam qui restitue de l’argent trouvé sur la voie publique peut se voir brusquement érigé au rang de héros pour son geste altruiste. La famille constitue une fois de plus le centre de gravité de ce film dont le personnage principal arbore un sourire déconcertant. Toute la finesse de Farhadi consiste à aller au-delà des apparences, en explorant toute la complexité de cet homme dont les médias et les réseaux sociaux vont s’acharner à exposer un passé parfois douloureux, de son divorce douloureux à sa séparation avec son fils victime de bégaiement. En échappant ainsi malgré lui à l’anonymat, il va voir l’opinion publique envahir son intimité et le contraindre à répliquer pour sauver son honneur en rétablissant une vérité qui ne peut plaire à tout le monde. Parvenu à une maîtrise impressionnante qui est le fruit de son expérience, mais aussi de son perfectionnisme, Farhadi ajoute un nouvel opus majeur à une œuvre qui ne cesse de progresser et atteint à l’universalité absolue par la richesse de ses thèmes et une mise en scène qui cerne au plus près les tourments individuels, sans se sentir obligée pour autant de jouer les donneurs de leçons. Il signe là une miniature persane lourde de sens.

Jean-Philippe Guerand






Sahar Goldust

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