Accéder au contenu principal

“Un endroit comme un autre” d’Uberto Pasolini




Nowhere Special Film britannico-italo-polonais d’Uberto Pasolini (2020), avec James Norton, Daniel Lamont, Eileen O’Higgins, Valerie O’Connor, Laura Hughes, Stella McCusker, Carol Moore, Valene Kane… 1h36. Sortie le 8 décembre 2021.



Daniel Lamont et James Norton



C’est l’histoire d’un papa célibataire qui aime son petit garçon de 3 ans d’un si grand amour qu’il décide de choisir avec lui la maman idéale pour quand il ne sera plus là afin de veiller sur lui. Quête impossible du foyer idéal que vont mener de concert le père et le fils, en rencontrant des mères de famille prêtes à nourrir une bouche de plus parmi leur couvée. Voici un film tout simple qui joue sur la pudeur des sentiments et ces mots que l’adulte n’arrive pas à prononcer, face à cet enfant trop jeune pour comprendre qu’il cherche à lui dire adieu en lui laissant des souvenirs de lui. De ce sujet ô combien délicat qui pouvait prêter au mélodrame larmoyant, le réalisateur britannique d’origine italienne Uberto Pasolini (nommé à l’Oscar en 1998 comme producteur de The Full Monty) tire un film déchirant qui repose pour une bonne part sur la composition toute en retenue de James Norton, dans le rôle difficile d’un homme humble et taiseux à qui sa pudeur naturelle interdit de révéler le secret trop pesant qui l’écrase : il va mourir et ne veut pas que son fils unique en souffre. Dès lors, tout l’art de la mise en scène consiste à éviter le pathos en jouant sur la complicité entre ces deux personnages qui n’ont pas toujours besoin des mots pour communiquer, mais plutôt de gestes qui s'apparentent à une transmission tactile.



Daniel Lamont et James Norton



S’il fallait définir d’un mot le sentiment qui gouverne Un endroit comme un autre, celui de tendresse s’imposerait. Avec ce troisième film en tant que réalisateur, Pasolini (qui est le neveu de… Luchino Visconti !) atteint une sorte d’épiphanie et rejoint au panthéon des cinéastes habiles à traiter de l’enfance des experts tels que Truffaut, Pialat ou Comencini. Jamais il ne succombe à la facilité ou ne cède à la tentation du tire-larmes. Les échanges entre l’adulte et l’enfant sont ceux d’un homme peu habitué à manipuler les mots et d’un gamin en phase d’apprentissage verbal qui réussissent à s’apprivoiser en trouvant un langage commun où les gestes les plus simples revêtent une fonction fondamentale. Ce que ses personnages ne peuvent exprimer par des phrases, la mise en scène le souligne par des détails infimes, sans jamais rien appuyer et en évitant la double tentation de l'emphase et de la manipulation. Le fossé est trop abyssal entre cet homme en sursis (campé tout en silences éloquents par le formidable James Norton) et cet enfant dont il cherche à sauvegarder l’insouciance, sans toujours savoir jusqu’où il peut se confier à lui sans briser son innocence. C’est tout l’enjeu de ce film magnifique et vibrant.

Jean-Philippe Guerand





Daniel Lamont et James Norton



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract