Film maroco-français d’Ismaël Ferroukhi (2019), avec Zakaria Inan, Sabrina Ouazani, Azelarab Kaghat, Rachid Fekkak, Mustapha Rachidi, Nabil Elboukhari, Laila Haddadi, Moumen Mekouar… 1h43. Sortie le 22 décembre 2021.
Originaire d’un bidonville, Mica se fait engager comme apprenti dans un club de tennis fréquenté par la jeunesse dorée de Casablanca. Jusqu’au moment où une ex-championne remarque qu’il possède une véritable appétence pour ce sport et décide de lui prodiguer des cours… À travers ce conte oriental qui aurait pu donner lieu à un Feel Good Movie pétri de bons sentiments mais quelque peu désincarné, Ismaël Ferroukhi se livre en fait à une charge sociale virulente dans le cadre d’un royaume chérifien en proie à une fracture sociale béante. Il s’appuie pour cela sur un scénario extrêmement habile qui s’interdit tous les lieux communs et un gamin qui a perdu ses illusions au point de refuser d’entrer dans un système dont l’expérience lui a démontré qu’il le broierait après l’avoir exploité. On reconnaît dans cette désillusion le regard si particulier d’Ismaël Ferroukhi qui débuta naguère aux côtés de Cédric Kahn avec lequel il a notamment coécrit la chronique adolescente Trop de bonheur (1994) avant de voler de ses propres ailes avec Le grand voyage (2004) dans lequel un adolescent accompagne son père à La Mecque, puis Les hommes libres (2011) qui s’attache à un Algérien chargé d’espionner la grande mosquée de Paris pendant la Seconde Guerre mondiale. Des sujets ambitieux qui reflètent une ambition incompatible avec les compromissions.
Zakaria Inan et Sabrina Ouazani
Il aura fallu près d’une décennie au cinéaste pour mener à bien son troisième long métrage. Il propose là une alternative audacieuse au cinéma pour enfants traditionnel, en inscrivant cette histoire utopique d’ascension sociale par le sport dans un contexte délibérément réaliste qui expose une innocence sans protection. On comprend très rapidement que l’enjeu du film se joue en fait sur un tout autre terrain : celui d’un monde extrêmement cloisonné où la réussite individuelle relève encore du défi contre les institutions. Il suffit à Ferroukhi de montrer les rapports cruels de domination qui s’établissent entre les enfants pour briser le rêve d’intégration du plus misérable d’entre eux. Avec son petit héros au surnom de roche volcanique, Mica rejoint une vision sous-jacente à la cinématographie des pays émergents, qu’il s’agisse du Brésil de Pixote, la loi du plus faible (1980) d’Hector Babenco ou de la plupart des films du cinéaste iranien Majid Majidi dont on découvrira dès 29 décembre le dernier opus en date, Les enfants du soleil, qui ne fait vraiment assaut ni d’insouciance ni d’angélisme. Une longue tradition à laquelle appartiennent également des films européens tels que Le voleur de bicyclette (1948) de Vittorio de Sica ou Kes (1969) de Ken Loach. Mica s’impose en cela comme un film aussi pertinent que pénétrant qui se doit de trouver son public.
Jean-Philippe Guerand
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