Dýrið Film islando-suédo-polonais de Valdimar Jóhannsson (2021), avec Noomi Rapace, Hilmir Snær Guðnason, Björn Hlynur Haradsson, Ingvar Sigurðsson, Ester Bibi, Arnbruður Dögg Sigurðardóttir, Theodór Ingi Ólafsson… 1h46. Sortie le 29 décembre 2021.
Noomi Rapace et Hilmir Snær Guðnason
Un couple de bergers qui vit au rythme des saisons dans un coin reculé du Nord de l’Islande désespère de donner naissance à l’enfant prodigue qui les comblera. Alors il s’épuise dans ses tâches quotidiennes en traitant son troupeau de moutons avec une attention qui confine à l’affection. Jusqu’au jour où l’épouse découvre un mystérieux nouveau-né providentiel et entreprend de l’élever comme si elle lui avait donné elle-même le jour. Reste que le bébé se montre plutôt atypique, mais que ses parents ne semblent pas s’en émouvoir le moins du monde, tant sa seule présence les comble de bonheur… Derrière ces scènes de la vie conjugale, affleure un pur film fantastique qui témoigne dans ce domaine d’une inspiration particulièrement étrange et renvoie à Border (2018) d’Ali Abbasi, une autre révélation scandinave surgie de nulle part ces dernières années, et également sélectionnée à Cannes dans la section Un certain regard dont elle a obtenu le prix et où Lamb a reçu pour sa part le bien nommé Prix de l’originalité avant de revenir triplement couronné de Sitges. Avec en guise de leitmotiv murmurant une sorte de retournement de la nature contre cette espèce humaine qui lui a fait tant de mal, sans réaliser qu’elle était en train d’orchestrer son propre suicide.
Noomi Rapace
Lamb est une réussite qui repose exclusivement sur des petits riens, sans qu’on sache véritablement où s’arrête la déraison et où commence le fantastique. La mise en scène excelle à en saisir les moindres instants, en montrant la complicité atypique qui unit ce couple plutôt avare de mots. Valdimar Jóhannsson, qui présente son premier long métrage comme un conte ancré dans la tradition scandinave, s’en remet pour cela à ses interprètes et en tout premier lieu à la mère fusionnelle et résiliente qu’incarne Noomi Rapace (l’impressionnante Lisbeth Salander de la trilogie Millennium de Stieg Larsson), toute en retenue dans un univers dominé par les bruits et parfois la fureur d’une nature pas toujours clémente avec laquelle communient ces humains isolés de la société qui les environne. Cette incursion dans le fantastique s’insère pourtant au sein d’une logique plus rationnelle qu’il ne pourrait y paraître et ne s’achève pas sur l’un de ces points d’interrogation dont les scénaristes abusent volontiers pour ne pas avoir à justifier leurs pérégrinations les plus folles. En cela, Lamb constitue aussi une intrigante quête au plus profond de la psyché d’une femme hantée par la maternité jusqu’à l’aveuglement, de la part d’un disciple du visionnaire hongrois Béla Tarr.
Jean-Philippe Guerand
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