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“La panthère des neiges” de Marie Amiguet et Vincent Munier




Film français de Marie Amiguet et Vincent Munier (2021), avec Sylvain Tesson, Vincent Munier. 1h32. Sortie le 15 décembre 2021.






La mode est aux packages. Pour écrire son best-seller “La panthère des neiges” (Éditions Gallimard), couronné du Prix Renaudot 2019, l’aventurier Sylvain Tesson a suivi le photographe Vincent Munier parti tenter d’immortaliser ce fauve qui ne se montre que de façon rarissime. Une quête quasi mystique sur les hauts plateaux du Tibet que la documentariste Marie Amiguet suit pas à pas en nous permettant d’apprivoiser ses espaces infinis où il convient de demeurer constamment à l’affût pour percevoir le ballet à ciel ouvert qui se déroule et les rapports parfois cruels qui régissent la cohabitation des espèces. Le générique de début nous présente des images lointaines filmées au téléobjectif qui montrent un troupeau de cervidés attaqué par la fameuse panthère des neiges. Comme pour nous prier de prendre notre mal en patience et attester que cette longue attente ne sera pas vaine. Il n’y a donc pas de suspense à proprement parler. Juste un doute qui va s’installer jusqu’à la fin et évoque irrésistiblement l’intrigue dilatée du “Désert des Tartares” de Dino Buzzati. Une documentariste filme un photographe animalier (qui est par ailleurs son compagnon) sous le regard d’un écrivain-voyageur, ce trio poursuivant un but unique : apercevoir une espèce en voie de disparition.






Présenté au festival de Cannes dans le cadre de la section éphémère “Cinéma pour le climat”, La panthère des neiges est un film sur l’attente tel que les affectionnait Michelangelo Antonioni. Une bulle spatio-temporelle qui réclame du spectateur de se laisser porter par un rythme inhabituel et un objectif aléatoire. Les lecteurs de Sylvain Tesson en connaissent déjà le déroulement. Le film nous en présente en quelque sorte la matière brute, détachée des considérations de l’écrivain sur l’état du monde et deux êtres chers disparus que lui évoque la panthère menacée d’extinction. Vincent Munier lui a consacré pour sa part un album intitulé “Tibet, minéral animal” (Éditions Kobalann) paru en 2018 dont l’écrivain a rédigé les légendes, avant de lui consacrer à son tour un livre à la suite d’une seconde expédition effectuée l’année suivante pendant laquelle a été tourné le film. Le contraste est saisissant entre l’homme de lettres volubile et l’observateur que son habitude de la solitude a accoutumé au silence. Cette expérience cinématographique fascinante constitue aussi une salubre invitation à laisser davantage de temps au temps à une époque qui va trop vite et se précipite vers sa perte sans prêter attention à la beauté du monde dont cette panthère des neiges est un symbole.

Jean-Philippe Guerand







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