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“C’est toi que j’attendais” de Stéphanie Pillonca




Documentaire français de Stéphanie Pillonca (2020) 1h27. Sortie le 22 décembre 2021.






L’abandon et son corollaire l’adoption sont des sujets dans l’air du temps qui ont donné lieu récemment à bon nombre de variations qui confinent au phénomène de société, de Pupille de Jeanne Herry à Loin de vous j’ai grandi de Marie Dumora, en attendant pour 2022 Placés de Nessim Chikhaoui (le 12 janvier) ou La vraie famille de Fabien Gorgeart (le 16 février). Révélée par deux productions TV centrées autour de la trisomie, le documentaire Laissez-moi aimer et la fiction Apprendre à t’aimer, Stéphanie Pillonca s’attache à ces enfants nés sous X qui décident de partir un jour en quête de leurs origines pour offrir à leur tour des racines à leur progéniture, mais aussi de ces couples incapables de procréer qui attendent qu’on leur confie à leur tour un bambin à aimer. Ces destins croisés tissent de formidables parcours de vie qui soulignent la nécessité qu’il y a à se situer dans le monde pour se mettre en paix avec soi-même. Ce sont pour l’essentiel des énigmes qui se résolvent, puis des douleurs qui s’apaisent lorsque la vérité se fait jour. La réalisatrice prend le parti de l’effacement pour se concentrer sur ces femmes et ces hommes en quête d’identité qui intègrent avec un naturel assez sidérant leurs origines biologiques à leur vécu de substitution pour constituer parfois des familles d’un nouveau type où les uns et les autres s’assimilent naturellement, comme de lointains cousins… ou pas, si l’adaptation s’avère trop douloureuse.






Difficile de ne pas être ébranlé par ces lambeaux de vie en fusion dont Stéphanie Pillonca observe les bouleversements, sans jamais la moindre certitude quant à l’issue hypothétique que connaîtront ces quêtes. La beauté de ces histoires vécues réside précisément dans ce doute qui plane en permanence au-dessus d’elles. Peut-on rattraper le temps perdu et intégrer la vie qu’on a vécue avec celle qu’on aurait pu connaître ? Celles et ceux qui cherchent et celles et ceux qui s’y sont refusés parviendront-ils à trouver un terrain d’entente au sein de ce paysage humain recomposé ? Peut-on impunément faire irruption dans la vie d’autrui sous prétexte de se mettre en paix avec son passé ? De telles problématiques induisent autant de questionnements auxquels le film tente de répondre à travers des exemples pour la plupart poignants. Reste que cette équation aux multiples inconnues nous propose des portraits individuels saisissants en lançant un pont vers un avenir incertain, en s’abstenant de chercher à réécrire un passé révolu, mais en profitant de l’instant présent, aussi inattendu puisse-t-il être, avec toutes les promesses en suspens qu’implique la situation. Sans jamais donner de leçons ou énoncer d’idées toute faites sur le sujet qui court en filigrane de ces épopées intimes : l’abandon.

Jean-Philippe Guerand







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