Film français d’Audrey Estrougo (2021), avec Théo Christine, Sandor Funtek, Félix Lefebvre, César Chouraqui, François Neycken, Vini Vivarelli, Chloé Lecerf, Nathanaël Beausivoir, Malcolm Veludo, Rayane Badi… 1h52. Sortie le 24 novembre 2021.
Théo Christine et Sandor Funtek
Le biopic est devenu un genre à part entière qui répond à des codes précis. Résultat, certaines vies sont plus palpitantes que d’autres et ça se voit fatalement à l’écran. On passera sur Aline qui est aux yeux de Valérie Lemercier une véritable croisade amoureuse qui fait rimer amour et humour. Bien au-delà de l’association de JoeyStarr et Kool Shen sous la bannière de NTM, Suprêmes s’attache à la naissance du rap français et à la Génération Mitterrand qui a bénéficié de la libération des ondes à travers l’explosion des radios libres, sujet également au cœur d’un film sorti le 17 novembre, Les magnétiques de Vincent Maël Cardona. Un véritable défi aux institutions qui raconte en filigrane la frilosité des maisons de disques à l’égard d’un mouvement musical qui détonne par son ancrage au sein des cités-ghettos de la zone et ne représente potentiellement aucune perspective commerciale à court terme pour les Majors internationales à l’affût de l’argent facile que leur rapportent les premières stars mondialisées.
Théo Christine et Sandor Funtek
Pour avoir filmé la banlieue dès son premier film, Regarde-moi (2007), puis signé avec Toi, moi, les autres (2011) une comédie musicale urbaine qui ne manquait pas de panache, Audrey Estrougo semblait prédestinée pour mener à bien ce projet ambitieux sur un territoire à peu près vierge que seuls les Anglo-Saxons ont investi jusqu’à présent sous la houlette d’Eminem (8 Mile) et 50 Cent (Réussir ou mourir). Épaulée au scénario par l’indispensable Marcia Romano, associée à deux autres films de femmes remarquables qui sortent le même jour, L’événement d’Audrey Diwan et De son vivant d’Emmanuelle Bercot, la réalisatrice ancre solidement dans son époque la naissance du tandem que personnifient de façon très convaincante Sandor Funtek et Théo Christine. Avec en toile de fond l’embrasement d’une banlieue qui n’était que fort peu représentée dans le cinéma de l’époque où les débutants chantent en plein air, parfois les pieds dans la boue, faute de structures adaptées, sous l’œil des forces de l’ordre toujours promptes à intervenir pour disperser ces fauteurs de trouble en puissance que les médias officiels ignorent. À travers cette épopée musicale, c’est aussi une révolution des mœurs que chronique Suprêmes avec une fraîcheur revigorante.
Jean-Philippe Guerand
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