Accéder au contenu principal

“On est fait pour s’entendre” de Pascal Elbé




Film français de Pascal Elbé (2020), avec Sandrine Kiberlain, Pascal Elbé, Valérie Donzelli, Emmanuelle Devos, François Berléand, Marthe Villalonga, Claudia Tagbo, Manon Lemoine, Frédéric Merlo, Anne Azoulay… 1h33. Sortie le 17 novembre 2021.



Pascal Elbé



Antoine semble comme indifférent aux autres, qu’il s’agisse de ses élèves, de ses collègues ou de ses conquêtes. Alors quand sa voisine vient lui reprocher de laisser son réveil sonner sans fin et d’écouter sa musique trop fort, il réalise qu’il est en train de devenir sourd et qu’il doit se faire appareiller pour retrouver une certaine sérénité et sortir de l’isolement dans lequel il était en train de s’enfermer. Avec l’amour à la clé… Pascal Elbé signe avec On est fait pour s’entendre une comédie sentimentale comme il en a le secret, c’est-à-dire appuyée sur un phénomène de société qu’il aborde le plus sérieusement du monde. Dans Tête de turc (2010), il était question de la déréliction du tissu social et du vivre ensemble menacé ; dans Je compte sur vous (2015), il s’attachait à un arnaqueur mythomane entraîné dans une spirale de perdition. Cette fois, le propos est a priori plus insouciant, mais tout aussi profond. Il traite d’un mal de l’époque, déjà au cœur d’un autre film sorti en juin dernier, Sound of Metal, dans lequel un musicien victime d’acouphènes se voyait menacé de surdité.



Sandrine Kiberlain et Pascal Elbé



La particularité de Pascal Elbé est de traiter ce sujet grave avec légèreté, mais sans jamais en minimiser le sérieux. Il se met pour l’occasion en couple avec Sandrine Kiberlain, dans un rôle de râleuse tel qu’ont pu en incarner Katherine Hepburn ou Ginger Rogers dans certains fleurons de la comédie hollywoodienne, en s’appuyant pour cela sur un roman de David Lodge, “La vie en sourdine”. Mais ce film à tiroirs ne se limite pas à son couple central et fourmille de personnages joliment croqués dont Marthe Villalonga dans le rôle délicat d’une mère atteinte de la maladie d’Altzheimer, mais aussi Emmanuelle Devos, Valérie Donzelli, Claudia Tagbo ou François Berléand. Il utilise en outre avec habileté les ressources technologiques du son pour instaurer une véritable empathie entre le personnage principal et le spectateur. Parce que l’une des particularités de la surdité est d’être minimisée voire niée par la grande majorité de ceux qui en sont atteints. Ce film bourré d’empathie est en quelque sorte à l’ouïe ce qu’Un peu, beaucoup, aveuglément (2015) de Clovis Cornillac fut à la cécité : l’approche compassionnelle d’un handicap qui déborde d’humour et d’amour, mais peut-être aussi tout simplement une œuvre de salubrité publique.

Jean-Philippe Guerand



Pascal Elbé et François Berléand

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract