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“Olga” d’Elie Grappe




Film helvéto-franco-ukrainien d’Elie Grappe (2020), avec Anastasia Budiashkina, Sabrina Rubtsova, Caterina Barloggio, Thea Brogli, Tanya Mikhina, Jérôme Martin, Alicia Onomor, Lou Steffen… 1h27. Sortie le 17 novembre 2021.



Anastasia Budiashkina



Olga est gymnaste. Elle s’entraîne sans répit pour réaliser son rêve de représenter l’Ukraine aux Jeux Olympiques. Sa mère qui l’élève est une journaliste politique engagée que son courage désigne comme une cible pour les nationalistes pro-russes. Alors le jour où les deux femmes sont victimes d’un accident de voiture dont tout laisse à penser que c’est une tentative de meurtre, la mère envoie sa fille en Suisse d’où était originaire son père pour qu’elle y poursuive son entraînement en toute sérénité. Quitte à se retrouver en compétition face à la délégation nationale ukrainienne dont l’étoile montante n’est autre que sa meilleure amie qui va ainsi devenir sa principale rivale sur le plan international. Là, elle va devoir accomplir ses premiers choix existentiels et se battre pour intégrer l’équipe nationale suisse de gymnastique au sein de laquelle la concurrence est rude, tandis qu’à Kiev, la révolte gronde sur la place Maïdan dont sa mère lui fait parvenir des échos inquiétants. En février 2022, ce film prendra une tournure prophétique qui ne fera que renforcer sa formidable puissance d'évocation.



Anastasia Budiashkina



Pour son premier long métrage, le réalisateur suisse Elie Grappe n’a pas choisi la facilité. Il choisit d’aborder la géopolitique à travers cette exacerbation du patriotisme que représente le sport de haut niveau lorsqu’il est instrumentalisé par certains régimes. Olga, qu’il a coécrit avec la romancière Raphaëlle Desplechin, prend par ailleurs pour personnage principal une adolescente qui a des comptes à régler avec ses origines et vit pour un but unique : devenir la meilleure du monde dans sa discipline, sans véritables états d’âme concernant les couleurs sous lesquelles elle concourt. Olga souligne ainsi combien les sacrifices qu’exige le sport de haut niveau sont par essence inconciliables avec des considérations d’ordre diplomatique voire intime. Le film propose en cela une réflexion abyssale qui résonne en écho à un sketch du documentaire collectif Visions of Eight (1973) tourné dans le cadre des Jeux Olympiques de Munich dans lequel John Schlesinger s’attachait à un marathonien qui ne voyait dans la prise d’otages des athlètes israéliens par les terroristes palestiniens qu’un obstacle à la tenue de son épreuve. C’est ce même détachement que filme Elie Grappe avec maestria mais sans aucun manichéisme et qu’incarne avec une détermination implacable la prodigieuse Anastasia Budiashkina, en exprimant tous les paradoxes de l’âge ingrat avec des trésors de subtilité.

Jean-Philippe Guerand






Anastasia Budiashkina


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